Avec le concours du continuo ciselé où resplendit les violons des 2 transfuges des Incogniti (Amandine Beyer et Alba Roca, ailleurs délicieuses ambassadrices de l’effusion langoureuse de Rösenmuller (Rösenmuller: Motets et Sonates, 1 cd ZigZag) et plus récemment de Bonporti au dernier festival de Sablé 2010), la soprano Maria Cristina Kiehr sait chanter la suavité intellectuelle de la première des donne ici magistralement servie: Isabella Leonarda.
L’Ave suavis dilectio s’épanche avec une sincérité qui sait éviter tout maniérisme. Très proche du texte, (c’est à dire comme depuis le début de l’album parfaitement intelligible) la soprano cisèle tout autant la grâce linguistique de Francesca Caccini dans son Lamento funèbre (simplement accompagné par la harpe de Mara Galassi): Lasciatemi qui solo.
L’accomplissement serait le dernier opus où participe tout le continuo: magnifique Hor ch’Apollo de l’excellente muse compositrice et chanteuse Barbara Strozzi. La Serenata pose d’emblée le génie dramatique de Barbara Strozzi qui décidément fait briller jusqu’à l’excellence, les artistes défendus par Ambronay et enregistrés par le label Ambronay éditions. Après l’album superlatif dédié à Barbara Strozzi par Leonardo Garcia Alarcon (Madrigaux de Barbara Strozzi par Leonardo Garcia Alarcon, 1 cd AMbronay éditions, août 2009), voici un complément inspiré, convaincant, l’une des oeuvres vocales, très développée… de près de 15 minutes: apothéose poétique de la langueur là aussi, celle blessée et impuissante d’un amoureux perdu, abandonné par la belle Phyllis, moqueuse, froide et insensible. La plainte du coeur blessé s’exprime en un chant nuancé, jamais appuyé, toujours palpitant d’une fragile suggestion. On apprécie particulièrement ce chant sacré qui prépare dans sa phase ultime au drame profane de Strozzi: Maria Cristina Kiehr se glisse avec une dextérité des plus sincères dans les registres requis: religieux ou amoureux, sacré puis profane, et toujours d’une humaine sincérité. D’un bout à l’autre, la tension cristalline de son timbre, sans aucun indice d’effet ou de système, éclaire la vitalité expressive de chaque pièce du recueil.
A l’heure où tant de nouveaux talents, et souvent déjà célébrés parmi la jeune génération de chanteurs, recherchent la reconnaissance, saluons ce travail du verbe, cette palette d’affects ou de nuances dynamiques comme de couleurs dont est capables la soprano, décidément très convaincante dans la poétique lacrymale et langoureuse, suave et évocatrice.
Dédié à quatre femmes compositrices: Isabelle Leonarda, Francesca Caccini, Caterina Assandra et Barbara Strozzi, l’album s’inscrit comme le prolongement discographique du 30è festival d’Ambronay dont la thématique intitulée « Femmes, le génie interdit » mettait l’accent sur nombre de créatrices oubliées, victime d’une discrimination très injuste. A l’écoute des partitions ainsi réunies, le choix du Festival et cet enregistrement qui en fixe les apports, s’avèrent des plus opportuns: lumineux, d’une valeur désormais indiscutable.
Il Canto delle dame. Il Concerto da Chiesa. Concerto Suave. Maria Cristina Kiehr, soprano. Jean-Marc Aymes, clavecin, orgue et direction. Parution annoncée: le 21 octobre 2010.