vendredi 9 mai 2025

Janacek, L’affaire Makropoulos (1926) Paris, Opéra Bastille. Du 27 avril au 18 mai 2007

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Leos Janacek
L’affaire Makropoulos
, 1926

Paris, Opéra Bastille
Du 27 avril au 18 mai 2007

Qui est Emilia Marty ?
Diva fatale, tentatrice désirant à la faveur d’un procès en cours, reprendre la main sur la formule de l’élixir de vie qui lui permettrait de vivre encore et encore, jeune et belle, jusqu’à la fin des temps, la femme est une créature terrifiante que l’ennui ne semble pas atteindre. Cruelle, sans scrupule ni morale, la femme tentatrice manipule le fils et le père Prus, Janek et Jaroslav, pour l’aider dans sa quête inavouée. Afin d’atteindre son objectif, elle vend ses charmes. Or prise de remords, et comme exténuée après des siècles d’existence, après que le fils Prus, Janek, se suicide, la cantatrice née en 1565, capitule. Elle s’appelle en réalité Elina Makropoulos et depuis plus de quatre siècles a revêtu plusieurs identités. « EM » pour Elina Makropoulos ou Emilia Marty (ou Eternité mélancolique), l’héroïne a du vague à l’âme. C’est la mémoire d’une éternité usée, au bord du gouffre qui ne croit plus en rien ni en personne. Le désir, l’envie de vivre a quitté ce corps qui n’en peut plus de vivre. En définitive, elle transmet à une jeune femme, la fille du clerc dans le procès qui s’instruit pendant l’opéra, le secret de l’élixir. Mais, celle-ci semble connaître le prix d’un tel « prodige »: il lui en coûtera la perte de son âme. Au final, celle qui se voit offrir l’éternité y renonce. Le prix d’une vie humaine ne peut être soumise à aucun pacte. Et EM accepte de mourir.

L’opéra de la vérité
Inspiré de la comédie philosophique et fantastique de Karel Capek (1922), L’affaire Makropoulos a profondément impressionné le compositeur qui demande l’adaptation de son roman en opéra, à l’auteur assez réservé, mais favorable. Janacek écrit lui-même son livret. Ecartant volontiers la dimension philosophique, et la portée de la fable, le musicien s’attache à peindre sans complaisance la vérité de ses personnages. A 70 ans, après de nombreux opus déjà convaincants: Jenufa, Osud, De la maison des morts, Katia Kabanova, Janacek démontre une compréhension intacte du genre humain, de ses aspirations iraisonnées, de ses rêves tragiques, et comme ici, pour une fin mesurée, de son sens pragmatique voire sublime. Le compositeur mêle toutes les esthétiques : postromantique, symbolique, impressionniste, expressionniste, naturaliste. Sous couvert d’un éclectisme lyrique, Janacek garde toujours le sens de l’efficacité, une fidélité tenace à un dramatisme sans dilution ni artifice. Les mots y sont projetés avec violence et la musique est un bain à la fois tellurique et poétique qui diffuse une grande force d’envoûtement. Saisi par la complexité et la violence dramatique de l’opéra de Janacek, Capek resta convaincu par l’adaptation de sa pièce à l’opéra. Avait-il conscience que le compositeur avait amorcé une révolution envôutante et salutaire du genre opéra?

La production parisienne
27 avril 2007. Pari réussi pour Gérard Mortier qui fait entrer au répertoire de l’Opéra de Paris, un opéra dont on a peine à penser qu’il n’avait jamais été produit sur la scène parisienne. L’ouvrage (1925) est le fruit d’un compositeur sur le tard (71 ans, né en 1854), aussi amoureux qu’un jeune homme, passionné par son sujet.
Comme un volcan, véritable torrent d’idées et de pulsion émotionnelle, la partition reste continûment captivante, atypique, hors normes. D’un lyrisme incandescent même, qui est à l’opposé de son exact contemporain, Puccini.
La baguette vive, détaillée autant que synthétique, de Tomas Hanus porte l’action à son meilleur. Sur la scène, et dans le rôle-titre (Elina Makropoulos), Angela Denoke, qui fut sur cette même scène une très convaincante fille de Cardillac (dans la mise en scène d’André Engel), fascine, ensorcelle. D’autant que la mise en scène du polonais Krysztov Warlikowski ose des parallèles souvent kitsh avec le cinéma holywoodien (Marilyn Monroe, King Kong,…) plongeant au coeur de la représentation mythique de la belle et de la bête pour mieux exprimer la folie humaine où prime le désir amoureux, la danse sexuelle, la volonté de bonheur… mais à quel prix? La vérité et la justesse déchirée de ce regard restitue au propos de Janacek, son universalisme. C’est cru et c’est beau. Magnifique.
L’Affaire Makropoulos, de Leos Janacek. Avec Angela Denoke, Charles Workman, Vincent Le Texier, Paul Gay, David
Kuebler, Karine Deshayes, Ales Briscien, Ryland Davies, Orchestre de
l’Opéra de Paris.Tomas Hanus , direction. Krysztof Warlikowski, mise
en scène. Jusqu’au 18 mai, à 20 heures.

Radio

France musique diffuse L’affaire Makropoulos de Janacek, le 2 juin 2007 à 19h

Approfondir
Lire notre compte-rendu du Programme édité par l’Opéra National de Paris, accompagnant les représentations de L’Affaire Makropoulos de Janacek

Illustration

Marylin Monroe (DR). Marilyn, icône du fantasme hollywoodien: sur la scène de l’Opéra de Paris, le metteur en scène Krzysztof Warlikowski, concepteur à Paris d’une Iphigénie en Tauride particulièrement décriée dont le lieu était une maison de retraite, imagine Emilia Marty en star de cinéma.

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