Après Milan, le champion de l’opéra italien, rejoint Londres où il livre plusieurs ouvrages pour le King’s Theatre. Zanaida y est créée en mai 1763: devenu professeur et » Music master » de la reine Charlotte et des enfants du roi Georges III, JC Bach s’impose sur la scène londonienne telle une personnalité européenne du lyrique. Figure éclectique, maîtrisant le style de Mannheim, dans la dernière évolution du Sturm und drang, le Bach de Londres reste ainsi près de 20 ans au service de ses Majestés, adulés pour sa facilité musicale. L’invention mélodique, le raffinement orchestral surtout d’un luxe instrumental accompli (Bach utilise le premier le pianoforte en Angleterre et la clarinette dès Orione, l’opéra qui précède Zanaida-, comme le profil des personnages à la virtuosité vocale toujours élégante et subtilement caractérisée façonnent un style sophistiquée et naturel à la fois, d’une évidente séduction. Le couronnement de sa carrière lyrique sera Amadis de 1779 pour la Cour de Marie-Antoinette, un chef d’oeuvre néoclassique et préromantique en particulier grâce au personnage écartelé et tendu, sombre enfin suicidaire de la magicienne Arcabonne…
Rien de tel ici où règne un parfum galant d’amour souvent extatique: la finesse et la subtilité des sentiments comme des caractères en situation passent essentiellement par l’extrême finesse de l’écriture orchestrale: à la fois prémozartienne et préhaydnienne ; le rôle titre fut tenu par l’excellente Anna Lucia de Amicis, future créatrice du rôle de Giunia dans Lucio Silla de Mozart (1772). Près de 10 années avant, JC Bach montre à quel niveau l’opéra italien était parvenu à un haut degré d’excellence et de raffinement.
A partir du manuscrit intégral récemment retrouvé aux USA en 2010 (!), le présent enregistrement présente donc une première mondiale: David Stern après la création de cette version au festival Bach de Leipzig (juin 2011), enregistre l’ouvrage en février 2012. Du prétexte à exotisme orientaliste puisque l’action se passe à Ispahan, Bach fait un comble d’élocution courtoise et suprêmement galante où la comédie et la légèreté ne sont jamais très loin du nœud des intrigues: de toute la distribution ici réunie se distinguent Chantal Santon (Roselane: éclat tendre d’une âme plus qu’ambitieuse), Sara Hershkowitz dans le rôle-titre (au métier sûr, à la musicalité éloquente), Pierrick Boisseau (Mustafa), Julie Fioretti (Silvera, coloratoure piquante)…
Le style brillant et court voire fulgurant de chaque air, sied bien à l’orchestre de David Stern, très attentif aux miroitements permanents d’une partition sertie de nuances instrumentales. Du reste, l’écriture n’a rien de folklorique, l’attention de Bach fils se portant essentiellement sur la caractérisation des protagonistes en cours d’action dont il fait surtout une intrigue sentimentale. L’ensemble des interprètes défendent avec implication et souvent une belle sensibilité une partition essentiellement élégante où le jeune Mozart puisera la matière de son Lucio Silla. Le génie de l’auteur s’accomplira davantage encore dans son Amadis de 1779 qui vient de paraître grâce au Palazzetto Bru Zane, sommet de l’inspiration de JC Bach. Sans vraiment décevoir ni vraiment captiver, l’oeuvre charme par son raffinement; les amateurs se porteront donc avec bénéfice sur son Amadis, à la fois galant et noir, d’un ténébrisme orchestral permanent (pas comme ici de récitatifs avec clavecin).
Johann Christian Bach: Zanaida, 1763. Sara Hershkowitz (Zanaida), Mustafa (Pierrick Boisseau), Chantal Santon (Roselane), Julie Fioretti (Silvera)… Opera Fuoco. David Stern, direction. 2 cd Zig Zag ZZT 312. Enregistré en février 2012.
