mercredi 23 avril 2025

Jean-Baptiste Lully: Thésée, 1675 Paris, TCE. Du 20 au 29 février 2008

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Jean-Baptiste Lully (1632-1687)
Thésée, 1675

Paris, Théâtre des Champs-Elysées
Du 20 au 29 février 2008

Nouvelle production
Emmanuelle Haïm
, direction musicale

Jean-Louis Martinoty
, mise en scène

Tragédie classique

Avec Thésée, Lully abandonne définitivement ce qui entretenait encore, dans ses deux premières tragédies en musique (Cadmus et Hermione en 1673, puis Alceste en 1674), une filiation avec l’opéra vénitien: le mélange des genres. S’émancipant dès lors du modèle italien transmis par Cavalli, le compositeur suit exactement la scène théâtre racinienne: l’action tragique n’est plus doublée d’une veine comique. Tout se concentre sur la glorification du héros, c’est à dire le Roi, Louis XIV. Seul le duo des vieillards à la fin du II reste comique. Toute l’action complémentaire fixe de façon spectaculaire le modèle du genre classique. La tragédie en musique articule un texte, celui de Philippe Quinault, magistrale fusion entre la note et le verbe.

Miroir politique
Ainsi Thésée, créé à Saint-Germain en 1675 suscite un immense succès. Haendel s’en souviendra à son tour au siècle suivant demandant à Haym de réécrire le livret de Quinault pour son propre Teseo. Comme toute oeuvre née de Lully, Thésée prend prétexte de la mythologie pour porter à la scène, les événements de la vie politique contemporaine. Le Prologue exprime clairement le désir du Roi d’établir sa cour à Versailles: le tableau préliminaire à l’action héroïque proprement dite, se déroule dans les jardins de ce Versailles primordial. La fin qui voit Minerve reconstruire le palais détruit par la magie de Médée, indique clairement l’intention du souverain, nouveau bâtisseur de l’époque. C’est d’ailleurs parce qu’il revient d’une série de campagnes militaires que Louis XIV qui vient de conquérir la Franche-Comté, s’occupe à présent de bâtiment pour fixer en un lieu de paix et de prospérité, sa Cour et la maison de son gouvernement. Quant aux amours de Mars et Vénus, ils évoquent la relation durable du Roi et de Madame de Montespan, nouvelle Athénaïs. Et Minerve à la fin de l’opéra nouvelle divinité au pouvoir croissant, symbolise la future compagne du Roi, Madame de Maintenon (qu’il épouse en 1683). En cela florentin, Lully transpose les principes de l’opéra italien, déjà florissant au début du XVII ème siècle, en France, précisément à Versailles, quelques 70 années après. Mais si l’oeuvre musicale est ici dans son essence, politique, sa forme égale son ambition: le génie qu’y apporte la collaboration du compositeur et de son librettiste permet à la forme tragique de se maintenir. Elle devient même un modèle européen, en particulier à Hambourg qui fut une place de diffusion privilégiée pour les opéras de lully.

Modèle européen

En quoi les autres cours d’Europe étaient-elles subjuguées? Grâce à deux éléments principaux, aux côtés de la fascination nouvelle du français mis en musique: le merveilleux et la féérie, prétexte à maints effets dramatiques et de machineries (d’où dans Thésée, l’importance du personnage de la magicienne Médée), mais aussi grâce à la place des ballets, spécificité de la cour française et vitrine de son art de vivre comme de ses manières. C’est aussi le génie dramatique des deux auteurs, totalement engagés pour le déploiement efficace et serré de l’action scénique: tout s’enchaîne sans temps morts dans l’antagonisme des passions opposées jusqu’au moment où les deux rivaux, Egée/Thésée se reconnaissent mutuellement père et fils grâce à l’épée que Thésée parvient à récupérer (grâce à l’entremise de sa divinité protectrice, Minerve)… après la guerre, l’effusion tendre et la paix s’instaure quand le père permet à son fils retrouvé d’épouser celle qu’il aime (Aéglé). Thésée ouvre la voie des grandes réalisations musicales de Lully, musicien de la gloire monarchique: Atys (1676), Phaéton (1683), puis l’ultime chef d’oeuvre, Armide (1686) qui en étant le point d’apothéose du genre musical et politique, est contradictoirement l’oeuvre d’un homme en disgrâce, qui a perdu l’estime du Roi.

Illustrations
(1) Portrait de Louis XIV
(2) Portrait de Jean-Baptiste Lully (DR)

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