Jean-Philippe Rameau
(1683-1764)
Hippolyte et Aricie, 1733
Les 6, 8, 10, 13 et 15 mars 2009
Toulouse, Capitole
Zoroastre (1749-1756)
Les 25, 27 et 29 mars 2009
Paris, Opéra-Comique
Dans le sillon légendaire tracé par Gardiner, faiseur de féerie avec Les Boréades (1982) et Hippolyte et Aricie (Aix, 1983), les parisiens avaient pu applaudir dès 1995, sous la houlette de Hugues Gall à l’Opéra de Paris, Hippolyte, Platée, Les Indes Galantes, et aussi Les Boréades (en 2003, première parisienne de la version intégrale… l’oeuvre n’avait pu être jouée en 1764, en raison de la mort de l’auteur). L’Opéra retrouvait les oeuvres conçues pour lui. Puis Les Paladins au Châtelet grâce Jean-Pierre Brossmann… avaient tout autant fasciné les publics.
Hippolyte à Toulouse
Nous voici pour la première fois dans l’agenda lyrique hexagonal en présence d’un mois de mars résolument ramélien ou ramiste, selon votre goût. Deux productions s’accordent pour rénover le lustre du plus grand compositeur d’opéras du XVIIIème, après Lully, avant Gluck. Toulouse offre un nouveau regard sur Hippolyte, premier opéra du compositeur qui en 1733 a… 50 ans. Il n’est jamais trop tard pour conquérir la planète lyrique: Rameau réinvente la langue théâtrale, grâce à sa science du goût, la justesse et la vérité de son style, un sens inédit de l’orchestration, une jubilation instrumentale où dominent basson, flûte, et même (avant Mozart) la clarinette… la parure qu’il invente pour caractériser par les seuls timbres de l’orchestre chacun de ses héros laisse pantois. Et souvent, l’orchestre est le véritable acteur du drame. Ses détracteurs ont coutume de dénigrer la faiblesse des livrets: de fait, les paroles y sont parfois indignes de la puissance et du dramatisme musical.
Zoroastre à Paris
Si Toulouse met donc en avant l’esprit de tendresse qui unit le couple des princes: Hippolyte et Aricie, auquel font contraste leurs parents, héroïque (Thésée) et tragique (Phèdre), avec en bonus d’une audace harmonique jamais entendues jusqu’alors (le trio des Parques d’une redoutable mais captivante difficulté vocale et contrapuntique), Paris et l’Opéra-Comique accueille quelques jours après, une autre production portée par un duo de faiseurs (Rousset/Audi) qui firent auparavant les beaux soirs de Drottningholm à Stockholm, ce Zoroastre (nom occidental de Zarathoustra), opéra de la pleine maturité (seconde version datée de 1756), qui « ose » développer sur scène en une bataille (finalement irrésolue) entre Bien et Mal, la représentation des ténèbres (incarnés par la divinité Arimane qu’adore le tyran haineux Abramane) et du démonisme à l’oeuvre. Ici règne les choeurs « maçonniques » qui sans retarder l’action, exalte sa grandeur et son ampleur suggestive: on a dit que sa construction annonçait La Flûte Enchantée de Mozart. C’est l’une des partitions le splus inspirées par l’Esprit des Lumières, admiré pour cela et aussi pour la beauté de ses thèmes mélodique comme sa finesse harmonique par d’Alembert et l’abbé Raynal… En dépit de son titre, la figure de la princesse Erenice est la protagoniste de la partition: être voué à la vengeance et à la colère destructrice, la jeune femme éprouve compassion et regrets. Au pays de la tyrannie, un pur sentiment d’humanité sauvera peut-être les hommes…
L’opéra mêle récits et airs en une continuité chantante qui annonce l’opéra déclamé, sans distinction marquée (récitatif/aria), de Debussy. Donc outre ses talents d’orchestrateur, Rameau brillant plasticien, poète des couleurs et des climats, est aussi précurseur de l’opéra moderne: un coloriste doué d’une intelligence de la langue. Les deux productions sont incontournables. Paris accueille la production déjà entendue en Suède et filmé puis édité au dvd (sous label Opus Arte: Zoroastre par Christophe Rousset, direction et Pierre Audi, mise en scène).
Illustrations: 2 portrait de Jean-Philippe Rameau (DR)