Si les quatre messes « brèves » (bwv 233 à 236) sont indiscutablement luthériennes, le cas de la « grande » Messe en si mineur (bwv 232) laisse une imprécision confessionnelle qui accrédite son universalisme.
Il s’agit aussi d’un monument, une sorte de « grand œuvre » dans la carrière de Bach, qui parviendra à achever la partition telle que nous la connaissons, après moultes avatars, reprises, ajouts, réassemblages. Une œuvre plusieurs fois mise sur le métier et de sources diverses, comme à son habitude. Car le compositeur aimait reprendre et réadapter des compositions antérieures.
Il semble que le début du processus créatif remonte à 1733 (l’année où Rameau à Paris fait sa révolution sur la scène lyrique avec son « Hyppolite et Aricie », créé le 1er octobre à l’Académie Royale de musique). Le 27 juillet précisément, Bach qui avait 48 ans, adresse les 21 parties formant la Missa (Kyrie et Gloria) à l’Electeur de Saxe, Friedrich August II, nouvellement couronné Roi de Pologne sous le nom d’Auguste III. Kyrie et Gloria, premiers jalons vers la Messe en Si, devaient lui permettre, du moins l’espérait-il, d’obtenir un poste à la Cour du Souverain.
Par la suite, Bach ajoute, associe diverses pièces composées en particulier, vers 1747/1749…. ou avant 1733, comme le Sanctus probablement écrit dès 1724, et joué à la Noël de cette année. Aucune ne source n’indique précisément si les éléments de cette Missa première furent joués pour les cérémonies du couronnement.
L’universalisme de l’oeuvre est aussi attestée par la pensée musicale à l’oeuvre dans la partition. Sans qu’il n’ait jamais voyagé hors des pays germaniques, Bach, humaniste universel, démontre une connaissance quasi encyclopédique de la musique, avant lui, à son époque : le Kyrie eleison est clairement inspiré du colla parte des suiveurs de Josquin des Prés, le laudamaus te puise chez les italiens, sa structure tripartire ABA’,le double choeur de l’Osanna, se souvient du dispositif poychoral en provenance de Venise…
Donc, luthérienne ou catholique ? Certainement les deux. Car Auguste en tant que Prince-électeur était luthérien, mais aussi comme Roi de Pologne, catholique. Et sa Cour, sise à Dresde, comportait bien deux chapelles. Voilà qui positionne la Grande Messe de Bach, outre ses qualités musicales, comme un monument sacré dont la portée œcuménique demeure son meilleur argument historique. En tant que telle, Bach ne connut pas de son vivant le cycle que nous avons coutume d’écouter aujourd’hui : le titre de Messe en Si n’apparaît qu’en 1845, à l’initiative de l’éditeur Nägeli et Simrok de Bonn.
Messe en si mineur, bwv 232.
Collegium Vocale Gent Ensemble, solistes : Sibylla Rubens (soprano), Ingeborg Danz (alto), Christoph Prégardien (ténor), Thomas E. Bauer (basse), direction : Philippe Herreweghe.
Bruxelles, Palais des Beaux-Arts, salle Henri Le Bœuf, 20h.
Autre date :
Les mêmes artistes dans le même programme sont ausi à l’affiche du
Singel à Anvers, le 30 mai 2006.
J.S.Bach: Messe en si mineur BWV232, Collegium Vocale Gent, Orchestra of Collegium Vocale Gent, Rubens – Danz – Pregardien – Bauer
direction : Philippe Herreweghe
DeSingel – Antwerpen, à 20h. Renseignements: +32 3 248 28 28
Illustration : Masacio, fresques de la Chapelle Brancacci, Florence.