fournit de l’excellente musique de cour: vive et sincère, raffinée et
palpitante dont le génie de l’écriture indique le contemporain trop
méconnu de Haendel, Bach et Rameau… L’album souligne l’art musical
d’un compositeur majeur du baroque tardif à réestimer de toute urgence.
château des souverains d’Anhalt-Zerbst à Zerbst: Versailles baroque,
dédié à la gloire pompeuse de ses occupants, le domaine, bâtiments et
parcs revit surtout grâce aux musiques qui y ont été composées,
d’autant plus que l’ensemble a été détruit en 1945.
Johann Friedrich Fasch (1688-1758) contemporain de Haendel, organiste
et violoniste, y réalise sa carrière comme Kapellmeister de la
Hofkapelle de Zerbst, tout en fournissant de l’excellente musique pour
les solistes de la chapelle non moins prestigieuse (et peut-être plus)
de Dresde (comme le Concerto pour violon ici enregistré le rappelle).
La manière de Fasch étonne toujours grâce à cette fusion délectable et
identifiante, entre l’esprit concertant virtuose et déclarative du
concerto grosso, et aussi, caractère visionnaire, véhicule d’un
équilibre et d’une « grâce » qui annoncent les grands Viennois de
l’Empfindsamkeit (Haydn, en premier chef).
Le fait qu’un corpus de 10 Ouvertures ait été découvert dans le fonds
de la bibliothèque de la Maîtrise de Saint-Thomas de Leipzig accrédite
l’estime que tenaient ses contemporains, dont l’illustre J.-S. Bach,
vis à vis des oeuvres de Fasch.
De
fait, pour Ouvertures (Suites) et Concertos alliant trompettes et bois
(hautbois et bassons), le ton de cet album convaincant, est donné:
d’une indiscutable élégance, mettant en relief la vivacité des couleurs
et des accents, la motricité rythmique des danses (Ouverture en sol
mineur) Julia Schröder et le Kammerorchesterbasel excellent dans cette
esthétique de solennité et de fraîcheur presque insouciante qui exprime
un état d’opulence, festive et solaire (virtuosité souple du
trompettiste soliste du Concerto en ré majeur FVW L:D1, -vers 1750-,
qui profite de l’excellent trompettiste Giulano Sommerhalder). En rien
emblématique de la situation de Fasch qui malgré cette surenchère
d’éclat et de brillance, fut toujours empêtré dans des soucis
pécuniaires, multipliant lettres et doléances pour obtenir paiement de
ses salaires auprès de ses royaux patrons.
Relevons aussi la captivante Ouverture en sol mineur, présentée comme
le Concerto pour violon en ré majeur FWV L:D4a, comme une première
discographique. L’Ouverture en sol mineur FWV K:g3) étonne par la
richesse de sa parure instrumentale (2 bassons et 2 hautbois obligés),
la qualité de l’écriture jamais décorative mais qui semble suivre un
cheminement thématique et dramatique parfaitement architecturé, comme
peuvent le réaliser les meilleurs opi instrumentaux contemporains de
Bach à Leipzig ou de Haendel à Londres. L’alternance de ses 7 épisodes
d’une facétieuse invention (comptant Gavotte, et même palpitante
hornpipe – d’origine anglaise-, enfin double menuet, idéalement
solennel et ondulant, porté par un abandon tissé de noble élégance),
indique un génie du baroque tardif à réestimer de toute urgence.
Voilà qui en dit assez sur la valeur du présent album. Le Concerto
pour violon affirme la même écriture souple, caressante, nostalgique,
d’une activité juste et sincère, en rien banalement complaisante: grâce
aussi au geste souverain et très accompli des instrumentistes de Bâle.
L’oeuvre composée pour le violoniste soliste (konzertmeister) de la
hofkappelle de Dresde, Johann Georg Pisendel, montre lui-aussi combien
le génie de Fasch s’écarte de la pure et réductrice convention du
Concerto baroque. Superbe révélation.
Johann Friedrich Fasch (1688-1758): Concerti & Ouvertüren. Kammerorchester Basel. Julia Schröder, direction.