Johannes BrahmsGustav Mahler
Todtenfeier
Ein Deutsches Requiem
Grenoble, MC2
Le 13 mars 2008
Bruges, Concertgebouw
Le 15 mars 2008
Poiters, Palais de justice
Le 16 mars 2008
Philippe Herreweghe et l’Orchestre des Champs-Elysées retrouvent deux compositeurs qu’ils ont déjà abordés: Gustav Mahler, dans une oeuvre symphonique de jeunesse appelée à être recycler dans sa Symphonie n°2 (comme premier mouvement), puis, Johannes Brahms dont chef, orchestre et solistes dévoilent l’acte de ferveur singulier du Requiem allemand… A noter que le chef flamand et son orchestre sur instruments d’époque ont également enregistré l’oeuvre sacrée de Brahms, dans une prise live de 1996 (1 cd Harmonia Mundi).
Requiem personnel
En croyant sincère mais singulier et connaisseur des textes bibliques, Johannes Brahms
n’hésita pas à transgresser les règles en opérant lui-même la sélection
des prières et chants (choisis dans la Bible protestante de Martin Luther) qu’il souhaitait mettre en musique pour son
Requiem. Intitulé Un Requiem allemand (Ein Deutsches Requiem), l’oeuvre s’écartait ainsi de la
tradition en n’étant pas chantée en latin. La force et la ferveur de
l’oeuvre n’en a que plus d’intensité et d’émotivité, abordant sans
aménagement les sujets essentiels que doit affronter le commun des
mortels, la mort et la course du temps, la perte des êtres chers, la
finitude de toute chose, l’éternité…
Il s’agit d’un témoignage personnel traversé
par ses impressions et sentiments, par ses expériences personnelles
aussi qui ont endeuillé sa propre vie. L’auteur ému par sa propre écriture et certainement satisfait de ce qu’il avait composé, précisa son intention et l’enjeu de l’ouvrage à Karl Reinthaler, chef d’orchestre de la Cathédrale de Brême qui dirigea la création: le musicien lui aurait soufflé qu’il avait pensé réintituler Ein Deutsches Requiem, par Requiem humain. C’est dire la place de l’individu, la portée humaniste, compassionnelle et fraternelle qui portent comme des soubassements, l’architecture et le caractère de tout l’édifice. Si dans son solo, le baryton chante clairement et sans maquillage, la vanité de toute vie terrestre, la soprano tempère ce tableau terrible et exprime un hymne d’espérance: « Vous, qu’afflige la douleur, espérez… » La voix semble descendue du ciel et des mondes éternels et paradisiaques: en elle, le croyant envisage les délices futurs qui récompensent l’attente, la constance, l’humilité.
C’est d’ailleurs dans le sentiments de plénitude et de sérénité (qui annonce les grandes oeuvres de Mahler) que s’achève ce monument musical. Menée par une jeune âme de 21
ans, la composition s’étend sur plusieurs années, de 1854 à 1868. De
graves événements en ont marqué la genèse et la couleur particulière,
ainsi « Den alles Aleisch » développe l’esquisse d’une sonate écrite au
moment de la tentative de suicide de Robert Schumann dont Brahms était
très proche. D’autres parties seraient contemporaines de la mort de
Schumann (1856) mais Brahms n’a pas précisé lesquelles, d’autres encore
auraient été composées dans la suite du décès de sa mère en 1865. L’oeuvre sacrée mais non liturgique est créée dans la Cathédrale de Brême, le 10 avril 1868 et suscite un succès immédiat. Vaste polyptique en 7 volets, Ein Deutsches Requiem est la plus longue composition de Brahms: près d’heure heure et vingt minutes.
Letizia Scherrer, soprano. Markus Werba, baryton. Collegium vocale Gent. Orchestre des Champs-Elysées. Philippe Herreweghe, direction