jeudi 24 avril 2025

John Neumeier: Mort à Venise (Tod in Venedig) Arte, le 10 janvier 2010 à 9h45

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John Neumeier
Mort à Venise
(2003)
Tod in Venedig
Ballet de Hambourg

Arte
Dimanche 10 janvier 2010 à 9h45

Présenté en avril 2008, au Châtelet à Paris, Mort à Venise chorégraphié par John Neumeier reste un pilier du ballet contemporain (créé à Hambourg en 2003). Arte diffuse la reprise de la production par le ballet de Hambourg en 2004. Neumeier qui dirige le Ballet de hambourg depuis 1973, suit la chronologie du roman de Thomas Mann et imagine un narrateur (Aschenbach), chorégraphe. Le passage de l’écriture littéraire au vocabulaire chorégraphique (autobiographique) se réalise avec une fluidité qui est évidemment à mettre en relation avec la connaissance qu’a Neumeier des interactions souterraines du roman originel. D’ailleurs, le chorégraphe exprime ses propres questionnements sur la forme, sur l’art, sur les options visuelles d’un spectacle. Tout artiste n’est-il pas finalement démuni face à l’oeuvre qu’il doit servir? Par extension, tout homme n’est pas au fil de sa vie destiné à prendre la mesure de sa vie bien dérisoire?

Neumeier/Aschenbach, l’artiste et la mort

Insatisfait et même impuissant, l’Aschenbach de Neumeier ne se lasse pas de voir sans faire. Cette tyrannie des images, stérilisantes et aussi hypnotiques est l’un des thèmes principaux que porte le spectacle. Tadzio incarne un motif incontournable mais inaccessible qui pour celui qui le reçoit s’avère d’une fatale frustration. Pour autant l’observateur apprend à mieux se connaître dans ce chemin balisé de peur, de contemplation, d’anéantissement?

Du texte de Man, Neumeier sélectionne les traits majeurs et les met en relation ou les associe avec sa propre expérience. La sensualité est stylisée selon les années qu’il a vécues, ainsi le choléra qui sévit à Venise dans le texte de Mann, et diffuse ce climat mortifère étouffant, c’est le sida qui s’abat sur la communauté homosexuelle…
1 couple gay dans le style des 70’s qui incarne les aspirations sensuelles du maître de danse (comme la bacchanale restituée sur la musique du Tanhauser de Wagner puis le concert rock « orgiaque » de la dernière partie), est opposée à son désir platonique de la beauté qu’incarne la figure du beau Tadzio… Neumeier rend compte du trouble et de l’ambivalence qui saisissent l’esprit de son double Aschenbach, avec d’autant plus de force que la sensualité des corps que permet la danse, est son domaine d’élection. La réalisation du ballet renforce naturellement la nature dionysiaque voire organique du sujet central. Il n’est pas d’amour sans impuissance: quand Aschenbach peut enfin toucher son idole, il meurt à ses pieds sur les notes martelées, obsédantes de la mort d’Isolde, de Tristan und Isolde de Wagner. A un drame scénique, spectacle d’une éternelle impuissance, répond la musique d’une autre impuissance mythique, celle du couple Tristan und Isolde dont l’amour et la fusion ne peuvent se réaliser sur cette terre.
L’intérêt du spectacle de Neumeier (né en 1942 à Milwaukee, Wisconsin/USA), devenu aujourd’hui un classique parmi les réalisations de la danse contemporaine, mêle habilement visions personnelles et dramaturgie expressionniste, forte, heurtée, où s’enchaînent des tableaux contrastés: l’artiste canalisé (évocation de Frédéric de Prusse et musique de Bach), amour printanier d’un couple s’enlaçant en toute innocence (le rêve secret d’Aschenbach?), délires orgiaques du chorégraphe exprimant le noeud des pulsions contradictoires qui l’écartèlent…
Le cycle est brillant, jamais décoratif; sa noirceur poétique dialogue parfaitement avec les thèmes clés de l’ouvrage originel: entre mort et désir, action et contemplation, tout le combat de l’homme confronté au dévoilement de son identité profonde, est bien là. le Ballet de Hambourg reprend Mort à Venise (Tod in Venedig, en mars 2010, les 12 et 13 précisément).

Ballet. Mort à Venise d´après Thomas Mann. Chorégraphie de John Neumeier. Musique de JS Bach et Wagner (2004, 2h). Ballet de Hambourg. Chorégraphie et mise en scène : John Neumeier. Musique : Johann Sebastian Bach, Richard Wagner. Décors : Peter Schmidt. Costumes : John Neumeier et Peter Schmidt. Réalisation : Thomas Grimm Avec : Edvin Revazov (Tadzio), Lloyd Riggins (Gustav von Aschenbach), Laura Cazzaniga (la mère de Tadzio) et le ballet de Hambourg Coproduction : ARTE, SWR, BR (2004, 2h)

Une danse macabre de John Neumeier librement adaptée de la nouvelle de Thomas Mann. Se lancer dans une adaptation contemporaine de Mort à Venise, qui se montre à la hauteur de la célèbre nouvelle de Thomas Mann comme du film culte de Visconti, pouvait tenir de la gageure. Avec ce formidable héritage, comment renouveler le thème ? John Neumeier
relève le défi en jouant sur le “mysticisme et le surnaturel”, dans une oeuvre en évolution constante, entremêlant Bach et Wagner. Celle-ci se construit sous nos yeux, orchestrée par le personnage de Lloyd Riggins en chorégraphe torturé, accroché à sa partition de Bach, battant la mesure, déplaçant les danseurs et explosant en crises successives. Peu à peu, il s’autorise à lâcher prise et à céder aux attraits de ses interprètes, dans des scènes dansées à l’érotisme gay de plus en plus affirmé. Rediffusion du 23 avril 2005

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