George Benjamin
Journée-rencontre
Jeudi 15 novembre 2007 à 20h30
Lyon, CNSMD
Rencontre, classe de maître
L’un des mieux reconnus des « jeunes » compositeurs européens, l’Anglais George Benjamin (né en 1960), a été reconnu par un large public. Ce disciple de Messiaen vient à la rencontre des étudiants du CNSMD de Lyon, et des auditeurs de la salle Varèse, sur l’invitation de l’Atelier XX-21 que dirige Francis Pierre.
Le chaudron magique
Qui donc a dit, ou même laissé entendre, que les compositeurs devaient être maudits ou se sentir maudits pour devenir ce qu’ils sont ? Ce rapport obligatoire, consubstantiel et rédempteur de la souffrance et de la création traverse l’histoire de la musique – des arts, plus généralement – , il est parfois utile quand il met en valeur l’ascèse chez le créateur et la nécessité pour le public d’une moindre paresse ; il peut en tout cas rencontrer de jolis démentis, y compris dans notre bel aujourd’hui. L’Anglais George Benjamin en serait l’exemple le plus net : à 47 ans, ce compositeur généraliste, il est vrai tombé tout jeune dans le chaudron magique du grand prêtre Olivier Messiaen –son élève à 16 ans ! -, s’est très tôt révélé au grand public (enfin, celui des mélomanes auquel rêve tout compositeur digne de ce nom) et n’a pas quitté l’affiche. C’était en 1980, Benjamin n’avait que 20 ans, et sa 1ère grande pièce pour orchestre était jouée devant le public pas spécialement happy few des concerts Proms de Londres. Depuis son écriture séduisante a rencontré le succès, sans pourtant lui aliéner la faveur du milieu musicien le plus exigeant.
Au-dessus du silence
Ce côté « George au pays des merveilles » rejoint certes une expérience réellement rare et exaltante auprès de Messiaen : Benjamin a bien été le fils spirituel et favori des dernières années d’enseignement du Maître français à Paris, qui saluait en lui « « une sorte d’héritier du jeune Mozart ». On sait que Messiaen était un mentor à la fois très louangeur, et attentif aux qualités de ses élèves, mais très respectueux de leur personnalité. Bref qu’il ne demandait pas en échange de sa « protection » intellectuelle et affective une copie conforme de son propre trajet. L’admiration a ura donc été vive de part et d’autre, sans soumission de la part du jeune Anglais ; mais l’étiquette – super-disciple de Messiaen – lui sera restée, dissimulant un peu son travail contrapuntique rigoureux derrière le charme de son orchestration chatoyante et post-impressionniste, car le compositeur ne cache pas non plus son rattachement « français » à la magie debussyste. En tout cas, dans le passé lointain, c’est à la Grande Bretagne que George Benjamin doit un « coup de foudre instrumental » qui a réorienté son parcours au début des années 90 : très impressionné par les Fantaisies pour violes de Purcell, il ne tarda pas à composer un Upon Silence, pièce pour mezzo et 5 violes, sur un texte du poète irlandais W.B.Yeats, et à réorienter les principes et les modalités de sa composition.
La recherche et les tâtonnements d’un compositeur si doué
C’est cette œuvre-tournant que le « point de rencontre » du CNSMD lyonnais a mise au programme du concert qui célébrera la venue – avec rencontre en classes de maître – de l’auteur anglais. Il y aura d’ailleurs deux versions de cet Upon Silence, la plus « initiale » avec les violes, et une autre écrite avec un septuor à cordes « accompagnant » la mezzo. Une autre partition, cette fois pour deux altos, Viola, viola, continue (il y a dix ans) la recherche dans cette direction de modes de valeur et d’intensité, comme aurait dit Messiaen. Quant à Three Inventions (1995), 24 musiciens de chambre sont concernés ; Benjamin en expliquait : « cela dévoile sous la surface déjà architecturale une autre structure au style énergétique et lyrique. » Benjamin est habitué à l’enseignement, qu’il pratique dans son pays et en tournées internationales, lui qui est aussi reconnu comme pianiste et chef d’orchestre éminents. Il se sert volontiers de la peinture pour son inspiration (Turner pour At First Light, méditation sur la lumière), flirte avec la chorégraphie ( Dance Figures, pour A.T. de Keersmaker), et aussi n’a pas négligé la technologie (Antara, dans le moule IRCAM), puis s’est risqué à l’opéra – mais « formes réduites »- avec le dramaturge Martin Crimp. Dans ses entretiens (avec E.Dahan ou R.Machart), il réfute la figure trop simple d’un musicien nageant dans le bonheur invariable d’être si doué, il avoue des traversées du désert d‘inspiration, des périodes de doute, ou de « 100 fois sur le métier remettez votre ouvrage » . Peut-être en fera-t-il aussi mention, sinon confidence, dans le temps qu’il va consacrer aux étudiants.
Parti de rien pour arriver à pas grand chose
C’est dans le cadre du travail accompli par l’Atelier XX-21 que cette journée a été imaginée et préparée. Le patron de cet Atelier, Fabrice Pierre, présente par ailleurs une réconfortante carte de visite aux journalistes, sous l’exergue de…Pierre Dac : » Celui qui est parti de rien pour arriver à pas grand-chose n’a de merci à dire à personne. » Ce harpiste, « éliminé au 1er tour du Concours de Genève et qui n’a jamais joué sous la direction de Carlos Kleiber, mène une double carrière – dite carrière de Pierre – de chef et de harpiste, et enregistre régulièrement ses bagages sur les plus prestigieuses compagnies aériennes. » Voilà qui est de bon augure, à l’époque de la pensée unique et hyper-sérieuse dans les CV., pour son activité pédagogique au CNSM (harpe et direction musicale du XXe). Son Atelier XX-21 est très ouvert aux présences de compositeurs (de A à Z, et d’Aperghis à Xenakis) et joue dans de multiples concerts et festivals. F.Pierre dirigera pour le concert Benjamin, avec les solistes Laure Dugué (mezzo), Hélène Desaint et Céline Tison (altos).
Vendredi 15 novembre 2007, concert au CNSMD de Lyon, Salle Varèse, 20h30 (entrée libre)
George Benjamin (né en 1960) : Deux versions de Upon silence ; Viola-viola ; Three invention.
Atelier XX-21, dir. Francis Pierre . Laure Dugué, mezzo ; Hélène Desaint et Céline Tison, altos.
Crédit photographique: George Benjamin (DR)