Karajan dirige la Pastorale
Film symphonique
Arte
Dimanche 13 avril 2008 à 19h
Réalisation: Hugo Niebeling. 1968, 36mn. Il existe peu de réalisations aussi inventives et intelligentes que celle née de la collaboration du chef Karajan et du réalisateur Hugo Niebeling. Le film succède aux précédentes « créations » réalisées par Clouzot qui signe ainsi la Cinquième de Beethoven, en 1966.
Niebeling apporte un vent nouveau d’effets visuels (que Karajan jugera excessifs et perturbateurs in fine): flous artistiques, plans serrés, ascendants, mobiles selon le rythme de la musique (en particulier dans la tempête), images anamorphosées, et même sol du plateau repeint selon le mouvement: ainsi le spectateur remarque les musiciens tour à tour sur un fond vert pâle (andante), blanc électrique (tempête), rouge (allegretto final)… Niebeling en outre suit chaque intervention instrumentale en imaginant par exemple de surimprimer sur l’image du hautbois, la silhouette du basson qui apparaît trois fois.
Voici une tentative décisive dans l’art difficile non pas du concert filmé mais du film symphonique: les effets d’ombre et de lumière, la vision de l’orchestre dans sa totalité avec au dessus de lui un nuage chromatique brumeux, comme une aurore boréale, la précision des cadrages rapprochés, surtout, quoiqu’en dise Karajan qui n’était pas satisfait de son portrait ainsi réalisé, la figure du chef dont les mains conduisent toute l’action, dont le profil tel un empereur antique, se détache dans l’ombre, sort magnifiée tout au long de ce chef d’oeuvre cinématographique. On sait qu’à la suite de La Pastorale, achetée en l’état par la télévision allemande, convaincue par le travail de Niebeling, Karajan ne pourra empêcher la réalisation avec le cinéaste de deux films suivants, mais aidé de ses équipes, le chef remontera après Niebeling les deux témoignages, selon son goût propre. Avec Niebeling, l’image prime trop sur la musique. Vaste question qui allait encore ressurgir quand Losey mettra en images Don Giovanni de Mozart, 10 ans plus tard, en 1979.
Illustration: Herbert von Karajan (DR)
