Karol Szymanowski
Coffret Simon Rattle (4 cd)
La vertu de l’équipe vocale, dans le Stabat Mater, l’immersion ciselée dans les climats flottants et là aussi visionnaires, mallarméens, de la 3è Symphonie (« Chant de la nuit »), l’apparition fluide et inspirée comme un elfe enchanteur du pianiste Leif Ove-Andsnes dans la Symphonie Concertante, restent d’un apport majeur. Enfin, la lecture du Roi Roger (1926) confirme être l’absolue référence au disque parmi les enregistrements récents. L’attention portée à l’énergie propre de la musique, le souci des timbres, des couleurs, des accents contribuent au principe de flux sanguin permanent, de tout organique qui innerve en profondeur une oeuvre secrètement autobiographique, comme un miroir où Szymanowski se regarderait, avec tendresse et aussi sens critique. La vision de Rattle observe les multiples beautés et éruptions de la partition; c’est un feu constant où les forces convergent peu à peu, s’organisent vers l’issue conçue comme un cataclysme libérateur, d’essence apollinienne, … solaire. Certes Hampson paraît davantage qu’il n’est: un rien poseur, travaillant surtout sa justesse et la beauté sensuelle du timbre. L’américain ne parvient pas à restituer les ambivalences profondes de la langue de Roger, ses accents et ses troubles linguistiques. Philip Landgridge incarne un Edrisi tout en nuances et la Roxane de la jeune Elzbieta Szmytka offre une leçon de chant incarné, d’une beauté ensorcelante, la face enivrante d’un être qui s’est abandonné -a contrario du Roi Roger-, aux délices extatique de la nouvelle religion, sans sourciller, ravie, en victime immédiate, par la figure du Tentateur et du Destin, Dionysos soi-même, ce Berger magnifique (trop sage Ryszard Minkiewicz). Coffret Szymanowski incontournable et de surcroît en une version « économique ».
Karol Szymanowski: coffret Simon Rattle (4 cd Emi Classics). Symphonies n° 3 et 4. Concertos pour violon n° 1 et 2. Stabat Mater. Le Roi Roger. Litanies à la Vierge. Harnasie. Chants d’amour de Hafiz. Chants d’une princesse de contes de fées. Leif Ove Andsnes (piano; 4e Symphonie); Thomas Zehetmair (violon); Iwona Sobotka (soprano); Katharina Karnéus (mezzo); Timothy Robinson (ténor); Jon Garrison (ténor 3e Symphonie); Elzbieta Szmytka; Florence Quivar et John Connell (solistes du Stabat Mater); Thomas Hampson; Elzbieta Szmytka; Philip Langridge (solistes principaux du Roi Roger). Choeur et Orchestre de la Cité de Birmingham. Simon Rattle, direction.