Kenneth Branagh réenchante la Flûte de Mozart
D’emblée, une recommandation initiale pour éviter toute ambiguité avec ce qui suit: à l’encontre d’un film d’opéra, il convient par intégrité intellectuelle de considérer l’oeuvre produite pour ce qu’elle est: un film donc une création cinématographique. Pas un opéra.
Les critiques -souvent haineux- qui recherchent à comparer l’opéra de Mozart et ce qu’en a fait Branagh se trompent.
Il s’agit simplement de recevoir cette adaptation comme un scénario certes inspiré d’un ouvrage lyrique, mais un scénario cinématographique. Si l’ensemble de la critique voulait reconnaître ce présupposé, beaucoup de malentendus seraient de facto écartés. Or donc, un cinéaste, de surcroît shakespearien dans l’âme, s’intéresse ici à l’un des derniers chefs d’oeuvre de Mozart.
Aucune transgression dans le principe: même chanté en anglais, le chef d’oeuvre mozartien survit aux nouveaux dialogues réécrits (par l’insolent autant que brillant Stephen Fry, enrôlé dans l’aventure par Branagh) dans le contexte spécifique de la Première guerre mondiale (vers 1916). La volonté d’historicisation (à défaut d’une véritable actualisation à notre époque), le désir de rendre vivant et contemporain La Flûte, restent en conformité avec l’esprit de cette oeuvre populaire créée dans un théâtre des faubourg de Vienne pour le peuple de la rue, pas pour l’élite de la Cour par ailleurs gavée de serias italiens.
Sur le plan des choix esthétiques et des références visuelles, Branagh a-t-il détourné l’oeuvre de sa force première? Absolument pas. La Flûte n’ambitionne pas la vraisemblance. C’est un conte féerique et symbolique qui doit fonctionner selon les clés offertes à la compréhension du spectateur. Et de ce point de vue Kenneth Branagh ne manque pas d’idées, trouve des formules souvent justes, certes parfois simplistes, mais indiscutablement efficaces.
Il n’ a ni la fibre poétique liée à l’enfance d’un Bergman, ni la sensibilité esthétique d’un Milos Forman. Mais son discours simple, qui utilise des effets tirés du dessin animé (Tex Avery par exemple) sont des options recevables parce qu’elles fonctionnent.
Lire la suite de notre dossier: Kenneth Branagh réenchante la Flûte de Mozart, Les atouts d’une partition revisitée (2/2)
Crédit photographique
Les Films du Losange © 2006