2h32 de danse…
Bureau de la directrice du ballet: Brigitte Lefèvre. Réunion, programmation et pour chaque reprise, une question centrale: quel maître de ballet pour réaliser et réussir la passation? … pour la transmission d’une génération à l’autre, des gestes justes et poétiques… ceux de la création.
Dans la cité de la danse…
Manuel Legris fait travailler deux groupe de danseuses dans Balanchine: de la difficulté de réussir des figures simultanées parfaitement synchronisées… plus tard, pas facile non plus de danser avec un fusil (arabesques tendues)…
Jeu de miroir, image et reflet à l’infini: la danseuse et sa propre image entretiennent un rapport de fascination et de détestation: relation obsessionnelle car souvent le miroir permet de corriger la silhouette (port de tête, …), comme il révèle les limites et les grimaces incorrectes.
C’est un travail de chaque geste façonné par le corps comme une phrase, une émotion, un souvenir: puis tout se recompose par la série des attitudes, dans la réalité et la continuité du spectacle. C’est alors que l’interprète s’approprie « son » personnage.
Magie d’un série de gestes fluides qui ne dure que quelques secondes mais sensation de suspension,… et d’envol: le but ultime de la danse qui est de s’élever malgré les contraintes permanentes de l’apesanteur. Lutte contre le poids du corps, contre sa masse inerte; c’est la lutte contre la mort dont nous parle le réalisateur et que les répétitions et le travail des danseurs avant le spectacle, mettent plus que ce dernier, en avant
Voilà des instants volés, saisis comme au détour d’un couloir dans la cité de la danse, à Garnier et à Bastille. Il y est même question de… nourriture, l’aliment du danseur… dans la cantine, comment nourrir un corps maltraité? Mais aussi des fameuses ruches sur les toits de l’Opéra… des couturières de l’Opéra pour les habits des danseurs, affairées à rafraîchir des tissus souvent usés.
entre sueur et magie
Autre salle, autres fonctions et autres aspects du Ballet parisien: les tournées ont des enjeux d’image et d’ordre financier. Quelle offre pour les cercles vip des spectateurs abonnés: s’il s’agit de produire chaque soir de la magie, il faut aussi savoir la vendre… question brûlante: comment recevoir les mécènes: leur réserver un accueil privilégié qui passe bien sûr à l’Opéra, puis une ambassade, ou un ministère, des lieux inconnus et prestigieux (d’autant plus appréciés), enfin surtout un diner de gala… et pour le groupe des « grands bienfaiteurs » (25.000 dollars par tête quand même!) … une répétition du corps de ballet, une visite guidée et une répétition piano: approcher l’illusion et la féerie se payent au prix fort. L’art est un business et pourquoi pas si l’argent collecté sert à captiver toujours plus les publics déjà conquis, et financer de nouveaux ballets pour renouveler le répertoire?
Après la partie dédiée aux répétitions, place à la soirée du diner en compagnie des mécènes en présence des danseurs et du chorégraphe: Aurélie Dupont, Hervé Moreau, Sasha Waltz. Puis de larges extraits permettent de mesurer le niveau interprétatif et la diversité des styles chorégraphiques: Médée, ballet de Preljocaj avec ses sauts suspendus… où la soliste incarne cette animalité à vomir, captivante étrangeté. C’est aussi Le Lac des cygnes, et l’hommage à Maurice Béjart…
Les séquences de travail répétition puis performances (générales?) vues depuis les coulisses sont ponctuées par des vues de l’Opéra Bastille la nuit, et des rues de Paris, observées depuis les terrasses sommitales de l’Opéra… C’est une ville d’artistes dans la ville, où étoiles et chorégraphes révisent leur métier, des heures durant… pour quelques secondes d’ivresse et de pure féerie au moment du spectacle.
Aucun synthé, pas de précisions à l’écran sur les danseurs, les pas, la
musique, les ballets ainsi répétés et travaillés… on glisse d’une
classe à l’autre, d’un formation à l’autre, d’une salle à l’autre sans
éléments de référence, sans citation des oeuvres, des chorégraphes, des tyles, des danseurs à l’oeuvre… C’est frustrant et tend à la dilution, au
zapping (une scène efface l’autre)… Or la danse c’est quand même une
histoire d’interprétation donc de personnalités… On aurait aimé
identifier les danseurs à l’écran, leurs mentors et répétiteurs,
détenteurs d’une culture vivante à transmettre… Foisonnant parfois décousu, sans vision précise mais d’un réel intérêt documentaire.
La Danse,Le ballet de l’Opéra national de Paris, film de Frederick Wiseman, 2009, 2h32mn (1 dvd éditions Montparnasse)