La scène lyrique autour de 1900. Rémy Campo et Aurélien Poidevin.
Autour de 1900, la scène lyrique française réalise un âge d’or dont les performances, l’esthétique et les pratiques comme le fonctionnement, sont ici analysés grâce à un fonds documentaire (textes et images sources donc d’époque) particulièrement riche et complet. L’Opéra de Paris en est le fleuron, conservatoire d’un goût, d’un style que le lecteur exigeant découvre avec passion et intérêt. Tous les aspects sont présentés révélant les composantes d’une maîtrise française particulièrement édifiante: les machineries, les artistes, précisément leur jeu scénique (posture, déclamation, maquillage et costumes… vrai découverte de cette publication), le mouvement et la disposition des acteurs chanteurs dont les règles permettent de composer des tableaux à l’identique des peintures des grands maîtres contemporains…
C’est une époque qui est la contraire de la nôtre: où toute création est ordinaire; et les reprises et restitutions d’anciens ouvrages (y compris baroques) sont des événements dans la programmation.
La Scène lyrique française autour de 1900
Le travail de recherche est exemplaire, particulièrement vivant grâce à l’iconographie très abondante (plus de 560 illustrations ainsi reproduites…): photos de maquettes, de décors, planches des coulisses, photos des cantatrices et des chanteurs… En bonus, complément à l’image et au texte, 2 cd de l’enregistrement intégral et inédit du premier tableau du troisième acte des Maîtres chanteurs de Nuremberg, de Richard Wagner (1944), et une anthologie d’airs et de pages symphoniques tirés des Maîtres chanteurs de Nuremberg, de Richard Wagner, par Georges Imbart de La Tour, Paul Franz, Marcel Journet, Georges Thill, Gabriel Pierné, etc. (1908 à 1935). Un très intéressant article dédié à La création du Grand Orchestre de Radio-Paris, orchestre véhicule de la propagande allemande dans la France occupée, dont le répertoire favorise de fait les compositeurs germaniques… Le document radiophonique présenté a été réalisé en juin 1944, au moment où les combats font rage, quand à Paris la Milice et les SS organise dans la capitale un régime de terreur et de répression particulièrement barbare.
D’ailleurs, le visuel de couverture (Geneviève Vix dans le rôle de Carmen en 1908) souligne la place de l’interprète qui cristallise fantasmes, attente, défi musical… Si la voix conserve tout son aura, le corps du chanteur y est parfaitement évoqué: Fedor Chaliapine en Don Quichotte et Méphistophélès, le ténor Ernset van Dyck (grand wagnérien) mais aussi Lucienne Bréval (dans les rôles de Kundry, Salammbô, Eva, …) Rose Caron, Jane Margyl (Hérodiade), Bessie Abott (Juliette), Fernand Francell (Des Grieux), Meyriane Héglon, Claire Friché, Vanni Marcoux (Méphistophélès, Don quichotte), Emma Calvé, Lucien Fugère (Falstaff, Germont Père, Leporello, le diable, Sancho, ), Lucy Arbell (Posthunia), Georgette Leblanc (Carmen)… et tant d’autres, paraissent au fil des pages, à l’époque où les opéras de Reyer, Massenet, Wagner, Verdi, Puccini,… tiennent le haut de l’affiche parisienne.
La scène lyrique autour de 1900. Rémy Campo et Aurélien Poidevin.
Editions L’Oeil d’or. 452 pages. 50 euros. Parution: mars 2012.