Film, documentaire,
performance d’un soliste dont quelques uns pourront regretter les
effets de manche et les oeillades, voici sans hésitation un coffret
désigné pour tout amateur de violon, que la question des Stradivarius
passionne en particulier…
En ce début d’année, Sony Classical se distingue en publiant 2 coffrets (simultanément à l’album triple Stradivarius, Le chant du piano par Jean-Marc Luisada)
dont l’exhaustivité s’avère un excellent argument d’achat. En plus d’un
cd (ou de deux dans le cas du présent coffret), l’éditeur ajoute un complément vidéo.
Le produit final est complet, couvrant son sujet.
Au chapitre violon,
entendez Stradivarius. L’album s’attaque à un mythe de l’histoire de la
lutherie italienne: c’est qu’Antonio Stradivari, né à Crémone en 1644,
mort à 93 ans, en 1737, dans la même cité méridionale, poursuit et
adapte le métier appris auprès de Niccolo Amati. Mais il fait mieux que
son illustre professeur, il réinvente le violon baroque, perfectionnant
toujours sa forme, ses qualités acoustiques et musicales, la richesse
et la beauté de sa sonorité… Ainsi est né la légende et aussi le mystère Stradivarius (si l’on reprend le titre du remarquable documentaire, signé Stéphane Begouin, contenu sur le dvd: « Le Mystère Stradivarius« qui donne l’intitulé général du coffret). Aujourd’hui les spécialistes et les
experts de toute nationalité se perdent en conjectures pour expliquer
scientifiquement la préséance d’un « Strad » sur tout autre instrument
d’un autre luthier… question de bois, de séchage, de vernis, de forme
harmonique, d’instinct… Quel est le mystère Stradivarius? C’est
d’abord « le métier », un art proche de l’excellence et de la perfection,
mais sans jamais les atteindre car cela serait pernicieux pour le son
final. La beauté dont dépend l’émotion découle de l’asymétrie. Il y
aura donc une part permanente d’énigme, d’inexplicable et c’est tant
mieux. C’est assurément les conclusions de l’excellent documentaire,
diffusé par Arte, et qui en guise de complément vidéo du présent
coffret, dresse un bilan clair, complet sur la question (2005, 52 mn).
D’autant qu’à l’appui des témoignages des techniciens et des luthiers,
le film ajoute aussi la parole des musiciens dont Isabelle Faust et
Pierre Amoyal à qui l’on déroba son instrument…
Second volet vidéo et non des moindres, le film « Le violon rouge »,
réalisé par François Girard qui avait au moment de sa sortie sur les
grands écrans en 1998, été accueilli positivement. Le spectateur
évacuera les scènes romanesques, érotico-sentimentales, passablement
ratées de notre point de vue (c’est à dire l’épisode évoquant la figure
« diabolique » du soliste libidineux, « Frederic Pope », à Oxford au
XIXème, caricaturant la figure du virtuose captivant à la Paganini…).
L’intérêt du film parle de ce lien viscéral entre l’instrument et son
possesseur: qu’il s’agisse du jeune virtuose angélique à Vienne, mort
terrassé par l’excès de virtuosité que son mentor exige de lui, qu’il
s’agisse de cette chinoise membre du parti communiste à l’époque de Mao
et de la révolution culturelle qui confie l’instrument « sacré » à celui
qui saura en prendre soin, ou bien encore de cet expert mandaté par une
maison d’enchères canadienne, qui devient escroc par passion de
l’instrument, piétinant toute trace de moralité et de scrupule que son
métier devrait préserver, le réalisateur nous parle bien de la passion
de la musique, véhiculé par un instrument fascinant, capable d’exiger
tout de l’être qui entre en résonance avec lui. Associer les deux
programmes vidéo est édifiant et complémentaire.
En guise de volets audio, l’éditeur regroupe 2 cd préalablement parues dédiées à l’art du jeune violoniste Joshua Bell qui
joue un « Strad » de 1727. Aux côtés des oeuvres célèbres du répertoire
romantique (présentées cependant en extraits: Concertos de Mendelssohn
et de Beethoven, sous la direction de Sir Roger Norrington et la
Camerata de Salzbourg), l’interprète convainc en particulier dans les
transcriptions (Après un rêve de Fauré, Beau soir de
Debussy) et surtout, les mélodies de Gershwin, et l’adaptation de West
Side Story de Bernstein. Joshua Bell joue aussi la bande originale du
Violon Rouge, composée par John Corigliano, qui valut à son auteur un
oscar pour la meilleure musique de film (1999): suite constituée de « The red violon, « Pope’s concert », « Coitus musicalis »
(Esa-Pekka Salonen dirige le Philharmonia orchestra). Film,
documentaire, performance d’un soliste dont quelques uns pourront
regretter les effets de manche et les oeillades, voici sans hésitation
un coffret désigné pour tout amateur de violon, que la question des
Stradivarius passionne en particulier.
Le Mystère Stradivarius comprend 1 dvd: Film Le Violon rouge. Documentaire: Le mystère Stradivarius, et 2 cd:
l’art de Joshua Bell, violon: oeuvres de Tchaïkovski, Mendelssohn,
Chopin, Puccini, Debussy, Fauré, Massenet, Beethoven (cd1), Gershwin,
Hess, Corigliano, Bernstein, Meyer, Chopin… (cd2)