Aux côtés du dramaturge, l’œuvre du chef d’orchestre représente une part active dans la vie de Benjamin Britten. Ses propres annotations qui suivent son audition des concerts auxquels il assistent et que d’aucun trouverait aujourd’hui légendaires au regard des chefs écoutés : Furtwängler, Beecham, Strauss,…-, dévoile une insatisfaction voire un agacement : il regrette leur maniérisme, leur pathos outranciés ( !). A l’origine pianiste, Britten viendra à la baguette avec des idées bien arrêtées. Si de prime abord, il a souhaité diriger ses propres œuvres, comme son professeur Bridge dirigeait sa suite pour orchestre The Sea, Britten subjugué par l’œuvre de Purcell, s’est orienté dans la direction d’orchestre pour interpréter celui qu’il admirait. Il prévoyait ainsi Didon et Enée au festival de Glyndebourne en 1947 ; entreprise finalement réalisée à Londres en 1951 avec sa propre troupe d’opéra. Une autre oeuvre fétiche dans son jardin musical reste la 4ème symphonie de Gustav Mahler : éloquence des couleurs légères, orchestration, solos des intruments d’une éclatante splendeur… comme chef, il interpréta régulièrement la symphonie de Mahler dont il admirait aussi le Chant de la Terre.
Avec la création du festival d’Aldenburgh en 1948 puis la création d’une nouvelle salle de concert, « les maltings » en 1967, Britten peut multiplier son interprétation des autres compositeurs. L’éditeur Decca lui commande même en 1953 de nombreux enregistrements : Passion selon Saint Jean de Bach, The Fairy Queen de Purcell, plusieurs symphonies de Mozart dont il souhaitait rétablir la légèreté absente dans l’interprétation de la plupart des autres chefs, l’Inachevée de Schubert ; mais aussi The dream of Gerontius d’Elgar, l’Hymn of Jesus de Holst, la Symphonie n’°14 de Chostakovitch, Le Prélude à l’après midi d’un faune de Debussy…
En affinité avec l’univers intérieur de Schumann surtout, il a laissé le premier enregistrement mondial, devenu depuis légendaire, des Scènes de Faust avec Dietrich Fischer-Dieskau dans le rôle-titre et Peter Pears (Ariel/Pater Ecstaticus), à la direction de l’English Chamber Orchestra (1973, paru chez Decca). En véritable poète des climats étranges, il a su restituer le climat de mystère et d’onirisme de cette partition qui fait partie avec Genoveva des chefs d’œuvre schumaniens. On ne saurait évoquer son œuvre d’interprète sans évoquer en complément ses enregsitrements également publiés par Decca, des sonates pour pianos de Mozart et Schubert qu’il aborda avec Svatoslav Richter.
Dietrich Fischer Dieskau et Janet Baker, son interprète de prédilection pour The Rape of Lucretia (Decca), ont laissé plusieurs témoignages éloquents sur sa direction subtile, sa capacité à soigner les phrasés, tout en privilégiant (surtout), « l’inspiration du moment ».
Le musicien devait s’éteindre le 4 décembre 1976, un après Chostakovitch son contemporain, avec lequel il entretint tardivement une profonde amitié.
Bibliographie
Résonance par Dietrich Fischer Dieskau, Belfond 1991
Benjamin Britten par Humphrey Carter, Charles Scribner’s Sons, New York, 1992.