mercredi 14 mai 2025

Les 60 ans du Festival d’Aix en Provence (1948-2008) Arte, Mercredi 23 juillet 2008 à 21h

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Les 60 ans du
Festival d’Aix en Provence

(1948-2008)

Arte
Mercredi 23 juillet 2008 à 21h

Passion d’opéra: 60 ans d’art lyrique à Aix. Film documentaire réalisé par Philippe Béziat (52 mn, 2008)

60 ans d’opéras

Grand docu. Aix méritait un document de cette qualité. En 2008 Aix a 60 ans. Le festival, révolutionnaire au début de son histoire qui a imposé Mozart à une époque où régnait le bel canto et les opéras véristes, n’a cessé de réinscrire l’opéra dans la modernité. Si les mises en scène restaient classiques, le scandale s’est manifesté vis à vis des décors. Après la guerre, les esprits encore frappés par l’occupation allemande n’avait guère envie d’écouter l’allemand dans l’Enlèvement au Sérail de Mozart en 1951, dans les décors de Derain. Un choc retentissant qu’emporta néanmoins l’immense succès du Don Giovanni mythique (et fondateur) dans les décors de Maclès: ses machineries à vue, nécessitant sous les planches, un vrai ballet de machinistes, a lancé Aix sur la scène internationale, comme un Salzbourg à la française… Le film balaie les époques, interroge le sens d’un genre typiquement européen dont la tentation de l’enfermement pourrait être fatale.
Nouveau directeur, Bernard Foccroulle insiste sur la nécessité d’un art vivant, c’est à dire critique vis à vis de la société: décorateurs, plasticiens, chorégraphes, mais aussi cinéastes et hommes de théâtre, les métiers étrangers ou appartenant à l’opéra, ont contribué à revivifier le genre. Devant la caméra de Philippe Béziat, chaque témoin confronté aux images d’archives, commente, analyse et tire les conclusions pour le futur aixois. Genre mort, pas si sûr?

Témoins engagés
Le compositeur contemporain Pascal
Dusapin
qui présente Passion, son nouvel opéra, en 2008, manière de relecture des affects légués depuis Monteverdi par l’âge baroque, souligne combien le genre est tenté de s’enfermer sur lui-même, en un monde clos, uniquement obsédé par la notion de l’art pour l’art, s’écartant totalement de ce qui le relie au monde… La plasticienne Lynette Wallworth présente en 2008, ses installations vidéos où la place du spectateur est valorisée, réinscrite dans l’acte créateur: pas d’art vivant sans spectateurs (« Invisible by night« ).


Peter Sellars
, qui présente en 2008, sa mise en scène de Zaïde sous la direction de Louis Langrée, insiste sur un genre typiquement européen et très ancien dont la présence de Mozart après la guerre, souhaité par Gabriel Dussurget son fondateur en 1948, a permis d’imposer sur la scène internationale. Chanter Mozart permettait alors d’offrir l’image d’un monde meilleur, après les traumatismes de la seconde guerre mondiale. Plus militant que jamais, Sellars reprécise que lorsque Beethoven compose Fidelio, il ne s’agit pas pour lui de créer une nouvelle oeuvre admirable, mais d’exprimer déjà ce qui pourrait changer notre civilisation. Sauver l’homme par la musique…

Si Gabriel Dussurget, il y a 60 ans, avait l’ambition de faire écouter Mozart comme si les chanteurs chantaient à l’oreille de spectateurs, en un rapport intimiste permis par l’écrin de la cour de l’Archevêché, aujourd’hui Aix est une vaste machine qui, avec Bernard Lefort (directeur de 1973 à 1980) s’est popularisé, tout en élargissant son répertoire… vers le bel canto et le baroque… Pour ses 50 ans, en 1998, Aix accueille Stéphane Lissner, venu du Châtelet, qui y réintroduit Bartok (souhaité par Dussurget) et surtout Wagner, grâce à la construction dès 2006 du Grand Théâtre de Provence: le Ring qui y prend place pour la première fois, rappelle pour Rattle qui le dirige dans la mise en scène de Stéphane Brunschweig, l’époque où Karajan ayant repris les rennes de Salzbourg, y réalisait, de façon révolutionnaire, ce qu’il ne pouvait faire à Bayreuth: diriger Wagner. Ainsi, en musique, les acteurs font leur révolution en renouvelant le répertoire…

Archives historiques
Les nostalgiques seront heurex de retrouver les productions qui ont fait l’histoire d’Aix: à l’époque de Gabriel Dussurget, les grands Mozart: Les Noces de Figaro dans les décors de Clavel, tous en noir!, L’Enlèvement au Sérail de 1951, (décors de Derain), Don Giovanni (Cassandre), évoqué par le duo mythique Luigi Alva (Ottavio) et Teresa Stich Randall (Anna)… Et Le monde de la Lune de Haydn (1959) décors de Maclès, une oeuvre que l’on (re)découvre aujourd’hui…

De l’ère « démocratique » de Bernard Lefort, le film sélectionne les productions de Lavelli: Le Carnaval de Venise de (l’aixois) Campra (1975) et une Traviata de Verdi (1976), déjà critique, mise en regard avec la production plus récente signée Peter Mussbach avec la Violetta/Marylin de Mireille Delunsch (2003)… L’apport Lefort reste le déploiement du baroque à Aix: un répertoire guère favorisé avant lui (Dussurget avait néanmoins programmé Le Couronnement de Poppée (en 1961 avec le Nerone barytonant de Robert Massard!). Pour preuve, la sublime production d’Hippolyte et Aricie de Rameau (1983) avec la Phèdre inoubliable de Jessye Norman… Autre moment fort, le duo Marylin Horne et Montserrat Caballé dans Semiramis de Rossini (1980, mise en scène et décors de Luigi Pizzi, direction de Jesus-Lopez Cobos), époque de rêve pour les puristes, où l’intensité du spectacle passait exclusivement par le chant et la pure virtuosité vocale… aujourd’hui, les choses ont bien évolué: avec Peter Brook (Don Giovanni, 2002), Patrice Chéreau (Cosi fan tutte, 2005), l’art du chanteur se fait aussi acteur: la dimension théâtrale passant nécessairement par un redéploiement des mouvements, par le jeu physique des personnages… et les débordements (pour les puristes) du dispositif dramaturgique… Lissner a souhaité réimplanter à Aix, et l’exigence théâtrale et l’idéal vocal…

Futur d’Aix
En 2008, Aix vibre aujourd’hui au diapason de l’actualité et c’est Peter Sellars, commentant sa mise en scène de Zaïde de Mozart qui le souligne: il s’agit ici de dénoncer l’esclavagisme moderne. Dans une vaste boîte grillagée qui est leur prison, les chanteurs expriment l’oppression des travailleurs de l’ombre dont notre civilisation consumériste profite outrageusement… engagée, la musique? Certes oui. Combat vain, pas si sûr. L’opéra de demain, ne doit-il pas réenchanter le monde, changer notre civilisation?

Vif, mordant, le documentaire anniversaire dépasse son seul prétexte commémoratif. Le sujet pointe du doigt ce qui préserve aujourd’hui la vivacité d’un festival d’opéra: revivifier le genre lyrique, établir à l’heure de la globalisation (comme le précise Bernard Foccroulle) de nouvelles passerelles avec les cultures qui en sont étrangères (Afrique , Asie…), envisager de nouveaux regards, des approches neuves qui en dépit des réactions haineuses qu’ils suscitent, assurent in fine, la pérennité de la machine. Gageons comme le dit Pascal Dusapin, que l’opéra a encore de belles années devant lui!

Documentaire. Les 60 ans du Festival d´Aix en Provence. Réalisé par Philippe Beziat (France, 2008-52mn). Auteurs : Chritian Labrande, Philippe Béziat . Coproduction : ARTE France, INA, avec la participation de France 2.
Créé en 1948 par Gabriel Dussurget, le Festival d’Aix-en-Provence fête cette année ses soixante ans d’existence. Grands témoins de la saga aixoise depuis ses origines, Edmonde Charles-Roux et Gabriel Bacquier esquissent une « archéologie » du Festival, tandis que les nouveaux acteurs, dont son actuel directeur Bernard Foccroulle, le baryton Stéphane Degoût, le compositeur Pascal Dusapin, le metteur en scène Peter Sellars et l’artiste plasticienne Lynette Wallworth rêvent son avenir, qu’ils bâtiront au fil des saisons.
Nourri d’archives et d’interviews inédites des témoins de l’histoire du festival et de son actualité récente, le film de Philippe revient sur les grandes époques de cette manifestation qui a toujours su allier qualité, accessibilité et curiosité : la période Gabriel Dussurget (1948-1972) ; le mandat de Bernard Lefort (1974-1982) ; celui de Louis Erlo (1982-1996) et, pour la période la plus récente, les années Stéphane Lissner (1998-2006) et, enfin, le premier temps du mandat de l’actuel directeur du festival, Bernard Foccroulle. Ce documentaire sera projeté sur grand écran, en plein air, Place de Verdun à Aix-en-Provence les 28, 29 juin et le 1er juillet 2008.

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