Les Witches
Autour du claveciniste Freddy Eichelberger, se sont regroupés maîtres
sorciers et ensorceleuses musiciennes pour que naisse en 1999,
l’ensemble instrumental Les Witches. De tours en enchantements, le
sortilège des instrumentistes a marqué son territoire, dans la
jubilation et la féerie, au service des compositeurs anglais à l’époque
de Shakespeare. Entre la Renaissance et le Baroque naissant, les chants
énoncés par les Witches n’en finissent pas de nous captiver. Concerts
et projets 2007
Musique à boire, musique à danser, le répertoire des Witches (sorciers dans la langue de Shakespeare), ensemble constitué depuis 1999, s’entend à explorer rythmes et mélodies populaires ou savantes, au passage du XVI ème au XVII ème, entre deux mondes, la fin de la Renaissance et l’aurore Baroque. Autour du claveciniste Freddy Eichelberger, la gambiste Sylvie Mocquet et la luthiste Pascale Boquet, Odile Edouard (violon) et Claire Michon (flûtes) composent le noyau dur du Consort passé maître en magie et sorcellerie musicale, en particulier dans l’Angleterre de Samuel Pepys, témoin dans les années 1660, des évolutions du goût londonien, dans celle de l’éditeur John Playford dont le recueil de Country dances (Londres, 1651) demeure la source incontournable pour qui veut connaître les mélodies anglaises du XVII ème siècle. Heureusement, les Witches lui ont dédié un album « Nobody’s Jig » (enregistré en 2001, publié par Alpha), particulièrement délectable, où « Soudain« , comme le précise Nancy Houston, dans un avant-propos des plus éloquents, « nous sommes tout éveil, toute attention; nous voyons défiler dieux, fées, diablotins et elfes; nous nous recueillons avec la Reine Elisabeth pour une rêverie en luth solo, sautons avec les Ecossais au son de la cornemuse… »
Sur le papier, la théorie des plus de 500 « dances »qui y sont collectées: jigs, maggots, morris, gavots ou steeples, reste muette, mais réharmonisée par l’activité mordante des Witches, chaque mélodie reprend vie sous la coulée poétique transcendante du violon, instrument obligé. Appuis, tempis, accents: tout marque ici le divin rythme dansant. Une irrépressible invitation à la danse la plus endiablée comme la plus nostalgique qui mêle sournoise élégie sensuelle, délectation courtoise, et entrain irlandais. C’est qu’héritiers de la tradition orale et soucieux de renouer avec
une tradition ancestrale qui a fait de l’improvisation un art de jouer,
chaque instrumentiste des Witches s’ingénie à rendre vivante et
palpitante, chaque partition ainsi choisie…
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Concerts 2007
Les Witches sont en concert sur le thème de leur album Nobody’ Jig, le 11 août 2007 à 20h30. Cour du Château médiéval d’Esplas à Rebourguil (12400). Renseignements: 05.65.99.87.96
Vendredi 21 septembre 2007 à 20h45
Pontoise, Le Dôme (Festival baroque de Pontoise). » Le Witches-café « : Voyage dans l’Angleterre d’Elisabeth 1ère et dans les tavernes irlandaises… Jigs et ballads, extraits du Dancing Master de Playford.
La Ronde de nuit: Amsterdam, 1630
Fin 2007, les Witches, forts de leur non moins convaincant album intitulé « Bara Faustus’dreame » (enregistré en avril 2003 également pour Alpha), reprennent du service et d’après les musiques de ce disque, présente un nouveau spectacle: « La Ronde de nuit » (en référence au tableau spectaculaire signé par Renbrandt en 1642). Si l’album évoquait les collections musicales de Francis Tregian (1574-1619), gentilhomme catholique dans l’Angleterre anglicane d’Elisabeth Ière, le spectacle en clair-obscur, entend restituer « l’intimité d’une soirée musicale en famille », entre Londres et Amsterdam vers 1600. Quand la musique est écartée du culte calviniste, elle continue d’être pratiquée au foyer. Sweelinck, Orphée d’Amsterdam, organiste de la Nieuwe Kerk, permet le lien entre virginalistes anglais (Byrd, Bull, Philips…) et les compositeurs et interprètes de l’école allemande de clavier. Ainsi entre l’Île et le continent les liens se sont tissés sans interruption. La Fantaisie chromatique de Sweelinck figure dans le fameux Fitzwilliam Viriginal Book copié vers 1600 par Tregian.
Danses légères d’Anthony Holborne, mélancolie des Lute Songs de John Dowland (« Prince des luthistes et luthiste des princes »), entre autres, ressuscitent une période culturellement riche et complexe. Les compositeurs convoqués profiteront d’une mise en lumière, scénographie réglée par Benoît Colardelle afin d’évoquer les peintres nordiques qui d’Italie rapportèrent la manière contrastée et réaliste du Caravage, au début de l’âge baroque. Les tableaux d’Hendrik ter Brugghen ou de Gerrit van Honthorst, révèlent cette connaissance habile des thèmes italiens, comme les compositeurs anglais et flamands de l’avant-garde étudiaient les partitions des auteurs italiens, dont les madrigaux de Monteverdi et de Marenzio. Deux compositeurs que collectionna aussi Sir Francis Tregian qui séjourna à Rome, en 1592, au moment où Caravage fait sa révolution. Autant d’indices d’un foyer artistique fécond voire foisonnant auquel Rembrandt doit sa propre manière, sombre et mélancolique, réaliste et contrastée, parfaitement visible dans La Ronde de nuit.
Agenda
Chatellerault, Nouveau Théâtre. Le 30 novembre 2007 à 20h30
« La Ronde de Nuit ». Les Witches. Mise en lumière: Benoît Colardelle. Nouveau Théâtre de Châtellerault, 21, rue Chanoine de Villeneuve, 86 100 Châtellerault. Renseignements: 05.49.93.03.08.
Programme
Onse Vader in Hemelrijk: Jan Pieterszoon Sweelinck (1562-1621)
A Fancy: John Dowland (1562-1626)
Come sweet love (Bara Fostus Dream), Anonyme
Almaine The Nightwatch & Gagliard : Anthony Holborne
Come when I call: John Dowland
O mistress mine: Thomas Morley (1557-1602)
Gagliard Muy Linda: Anthony Holborne ( ? – 1602)
Silvia mijn Lief (Malle Symen): Ed. Jan Starter (Friesche Lust-Hof, 1626)
Salte Pitts: Richard Sumarte (Manchester Gamba Book)
In darkness let me dwell: Giovanni Coperario (1575-1626)
Fantaisie: Jan Pieterszoon Sweelinck
From Silent Night: John Dowland(A Pilgrimes Solace, 1612)
Can she excuse / Excuse Moy: John Dowland / Jacob van Eyck
(First Book of Songes, 1597 / Der Fluyten Lusthof, 1649)
Sine Titulo: Johan Schop (±1600-1665)
Blydschap van mijn vliedt: Anonyme / Jacob van Eyck (1590-1657)
Heare me o God: Alfonso Ferrabosco II (1572-1628)
Nathalie Marec, soprano
Bruno Boterf, ténor
Les Witches
Odile Edouard, violon
Claire Michon, flûtes
Sylvie Moquet, viole de gambe
Pascale Boquet, luth
Freddy Eichelberger, clavecin
CD
Bara Faustus’Dreame, Mister Francis Tregian his choice. Des Ayres et pièces pour consort anglais de l’époque élisabéthaine, les cinq membres fondateurs des Witches savent extraire la substantifique poésie. Si le contexte des sources musicales reste mystérieux voire énigmatique, réunies autour de la figure romanesque du gentilhomme catholique Francis Tregian (mort en 1619), le fil tour à tour onirique, féerique, nostalgique et sentimental que les sorciers musiciens magnifiquement inspirés savent tisser d’un bout à l’autre, nous enchante dans le plus passionnant des voyages musicaux. C’est un mélange d’effluves associées, une collection de sentiments et de sonorités, de divers milieux: échos des tavernes de l’industrieuse Londres, souvenirs méridionaux, éducation courtoise et mélancolique, danses franches et songs raffinés… Tant d’éloquence ciselée de la part de chaque instrumentiste, visiblement en état de complicité, rehaussée de surcroît par le soprano diaphane de Nathalie Marec (timbre plus « ordinaire » et prosaïque de Bruno Boterf), nous fait revivre le goût musical d’un mélomane exigeant, lui-même virginaliste et copiste du fameux Fitzwilliam Virginal Book (1600) qui fit le voyage à Rome à l’époque du Caravage. A la source de toute musique enchanteresse se diffuse l’alliance de la grâce, de la suggestion, de l’énigmatique: ce superbe album en est une incarnation des plus abouties. Incontournable. (1 cd Alpha, enregistré à Paris, en avril 2003).
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Crédits photographiques
(1) Nature morte
(2) Freddy Eichelberger
(3) Rembrandt, La Ronde de nuit, 1642 (DR)
(4)) Sylvie Mocquet
© R.Davies/Witches