Peut-on parler d’harmonie des peuples quand depuis le XIX ème siècle, les nationalismes ont su s’imposer sur la scène européenne? Qu’est ce qu’une musique nationale ? Pourquoi défendre l’idée d’un nationalisme musical?
Volonté des nations, essor des écoles nationales
Qu’on le veuille où nous, au cours du XIX ème siècle, avec le printemps des révolutions qui naissent en Europe, recomposant une partition géographique où prime désormais l’appartenance à une nation autoproclamée, surgissent de nombreux états modernes soucieux d’affirmer leur culture, une identité forte qui s’appuie essentiellement sur l’unité structurée autour de la langue et du folklore. C’est la volonté des peuples, aspirant à une reconnaissance démocratique de leur existence et de leurs racines.
Musique des nations, musique des peuples : historiquement, l’éclosion des écoles musicales, – russe ; tchèque et hongroise ; plus au nord : norvégienne, suédoise, finlandaise et danoise-, démontre l’irrépressible désir d’émancipation des peuples. Il s’agit souvent d’imposer son identité pour se libérer : ainsi, tchèques et hongrois, trop longtemps soumis à l’Empire Autrichien ; ainsi, les finlandais, désireux de se défaire de l’Emprise Russe… Comme d’ailleurs, il appartient aux compositeurs de la seconde génération romantique d’oeuvrer chacun dans leur pays, sur le plan musical, « contre » l’hégémonie du wagnérisme.
Etre soi, vivre ensemble
Aujourd’hui, l’Europe vit une autre direction : vivre ensemble tout en constituant une totalité unie et cohérente. On voit bien les difficultés de faire partition commune pour des nations disparates, diverses, singulières. Aujourd’hui l’Europe des 27 membres a-t-elle encore des chances d’incarner une unité culturelle et sociale cohérente?
Le thème générique de la Folle Journée 2007 vient à propos soulever des questions essentielles qui intéressent notre actualité : comment être soi tout en appartenant à l’union européenne, rapport aiguisé dans la confrontation du local et de la mondialisation, de la spécificité et de l’unité.
En soulignant la disparité des cultures européennes, en particulier en mettant en avant la culture populaire et les folklores, la Folle Journée 2007 indique à sa façon, une réponse qui pourrait s’avérer salutaire : renforcer l’idée d’une harmonie européenne en se fondant sur la richesse de ses composantes diverses.
Le développement des particularités s’est réalisé dans la libre communication, la circulation des savoirs, le brassage des expériences et des sensibilités. On sait bien que dans la nature, tout biotope qui vit sur lui-même, est condamné à l’asphyxie et à la mort, s’il ne recueille pas le bénéfice d’apports étrangers. L’idée d’une culture riche et forte qui se suffit à elle-même, est une utopie… dangereuse.
Quelques exemples ? Voyez comme par exemple, dans la programmation musicale de la Folle Journée, les compositeurs espagnols exilés à Paris, Albeniz, De Falla, Granados ont inspiré les auteurs français, dont le plus « réservé », et même le plus authentiquement hexagonal, Maurice Ravel s’est laissé pénétré par son hispanisme fièvreux. Au final, les nations n’ont jamais paru tant fondées que lorsqu’elles étaient éclectiques. Oui pour un art national mais pas nationaliste. Et cette idée paraît aujourd’hui d’autant plus louable avec l’inéluctable mondialisation.
Moussorgski et Bartok réécrivant ou réinventant des mélodies populaires n’ont jamais paru plus authentiques ni mieux inspirés, offrant à leur écriture propre des voies et des possibilités plurielles, « modernes » : c’est à dire ouvertes à d’autres expériences. Et même les compositeurs du Groupe des Cinq, pour nationalistes qu’ils paraissent, se disaient autant héritiers de Beethoven que du folklore russe. Eclectisme quand tu nous tiens : De Falla, Szymanowski s’abreuvent à de très nombreuses sources qui ne tiennent pas qu’à leur appartenance « nationale ».
L’harmonie des peuples serait donc l’ambition la plus noble : créer un espace libre et tolérant où chaque identité fondée sur sa propre expérience aurait enfin la possibilité d’échanger et de partager librement. La culture n’est valable que si elle favorise la rencontre, la découverte, la différence, comme autant de biens et de richesses en partage.
A partir du 26 et jusqu’au 28 janvier 2007 (dans 11 villes de la Région des Pays de la Loire) puis à Nantes, du 31 janvier au 4 février 2007, La Folle Journée vous invite à parcourir l’Europe musicale, identifiant les particularités nationales tout en adhérant au projet d’une harmonie des nations.
Approfondir
Arte diffuse en direct deux temps forts de la Folle Journée 2007. Les 3 et 8 février 2007 à partir de 19h.
Consulter notre grille des programmes télé pour connaître les oeuvres et les interprètes concernés.