Lucinda Childs
Arte, samedi 31 mars à 22h30
Documentaire. Réalisation: Patrick Bensard. 2006, 52mn
Que penser du documentaire? « Luncida Childs est un prisme, c’est une femme qui a de multiples facettes. Elle peut être dure, douce, chaude, froide, distante, chaleureuse… Elle m’agace continûment mais c’est pour cela que je l’aime ». Ces quelques mots de Bob Wilson montrent à quel point le travail de la danseuse et de la chorégraphe est pluriel et exigent. Elle a travaillé au sein du collectif minimaliste et avant -gardiste de la Judson Church, dans les années 60, auprès du duo Cunningham/Cage, a démonté les artifices de la société de consommation et la tyrannie du matérialisme et des objets concrets, dans une série de solo ou duos au carrefour du théâtre, de la danse, de la performance. Puis, une quête quasi idéaliste et abstraite la mène à fonder sa propre compagnie afin d’élaborer un langage libre, fluide, constitué, sur la musique répétitive de Philip Glass par exemple, d’une multiciplité de gestes enchaînés, toujours recommencés. Au bord de la mer, dans sa villa de Martha’s Vinyard, la créatrice explique les étapes marquantes de son travail. Einsein on the beach (1976) avec Philip Glass et Bob Wilson, lesquels témoignent de son charisme; puis, c’est trois ans plus tard en 1979, « Dance« , avec Glass et le peintre minimaliste Sol Lewitt : le ballet fait appel à un film projeté sur un gaze translucide sur lequel le spectateur suit plusieurs danseurs, auxquels répond la chorégraphie des vrais danseurs sur la scène. Tension, réponse, ballet à deux visages, deux lectures, deux temporalités… Le documentaire donne la parole à la créatrice, à ses partenaires danseurs et créateurs (Bob Wilson, Philip Glass …). A l’Odéon, aux côtés de Michel Piccoli, à Paris, elle incarne une figure énigmatique, tentatrice, l’instrument du destin, celui des révélations. Elle plus de créer et de concevoir, Lucinda Childs qui porte le prénom de sa mère, est aussi un interprète à la présence envoûtante. Sur la plage de Martha’s Vineyard, la chorégraphe précise la différence entre « être seule » et se « sentir seule »: tout en affirmant une personnalité unique, elle a manifestement rencontré ses complices et ses partenaires, ce qui pour une artiste ou une interprète, reste cruciale. Passionnant.
Rapidité, grâce, mouvement
Le style de la créatrice la plus inventive de la danse post-moderniste partage avec d’autres « légendes », tel Merce Cunigham ou John Cage (avec lesquels elle s’est formée) ou Carolyn Carlson, une vision particulière sur le mouvement, les apparences illusoires, la tyrannie des images fausses, l’écueil du spectacle de pur divertissement. L’art est un engagement, un acte de résistance, une exploration qui sur le plan formel, ne connaît pas de fin.
Lucinda Childs est née à New York, le 26 juin 1940. Au cours des années 1960, elle participe au collectif avant-gardiste de la Judson Church. Dans le gymnase, elle assimile le sens de la contestation enseignée par le couple Cuningham et Cage, comme Trisha Brown, également disciple des « papes du modern art ».
Si elle travaille sur le détournement des objets de la société de consommation, caricaturant avec drôlerie la vacuité de la ménagère (Past-time, surtout Carnation, 1964), la danseuse recherche ensuite une nouvelle direction plus abstraite, plus formelle dans sa quête du mouvement.
Le film « Calico migling » démontre ses nouvelles orientations en 1973: un dessin libre des mouvements à partir d’un vocabulaire simple, constitué de sauts, de changements de direction…
La chorégraphe a toujours préservé un lien étroit avec les compositeurs de son temps. Après une alliance créative avec les minimalistes américains tels Philip Glass, Gavin Bryars, Michael Nyman, Michael Risman, John Adams, Lucinda Childs change de style au tournant des années 1990, en travaillant sur les musiques de Ligeti, Xenakis, Gorecki, Krauze. Elle a fondé sa propre compagnie en 1973.
Lucinda à Paris et Mulhouse
Lucinda Childs a marqué en particulier le public parisien sur la scène du Théâtre de la Ville où la chorégraphe a été à de nombreuses reprises invitée, depuis le choc de sa participation en 1976 dans Einstein on the beach, avec Bob Wilson et Philip Glass.
En 2000, y étaient donnés par moins de quatre spectacles, Variété de variété (création), Concerto, Commencement et From the white edge of Phrygia. Avec Elisabeth Chojnacka, la directrice musicale de sa compagnie, Lucinda Childs a choisi de s’associer à Maurice Kagel dont plusieurs pièces ont été utilisées pour sa création de « Variété de variété ». Pulsations, variations, le travail de Childs tente d’épouser la rythmique propre de la musique. La répétition à l’infini la captive et oriente ses recherches, car elle y puise la mécanique de l’éternel recommencement. Chercher, explorer, se renouveller. En 2004, avec le studio ballet de l’Opéra du Rhin, la chorégraphe reprenait son ballet « Dance » sur la musique de Philip Glass, dans un dispositif scénique à double lecture de Sol Lewitt: tension, spiritualité, exaltation du corps et de l’esprit.
Crédit photographique
Lucinda Childs (DR)
Lucinda Childs © Michael O’Neil