En 1817, alors que Beethoven avait déjà composé ses huit premières symphonies, le poète Christophe Kuffner lui demanda laquelle il préférait entre toutes. Sans hésitation, le compositeur répondit :
– « l’Héroïque !
– J’aurai cru l’ut mineur [la symphonie n°5]
– Non, non ! l’Héroïque. »
Il faut bien comprendre que cette œuvre figure à part dans le cœur du compositeur et qu’il s’agit d’une étape capitale dans sa création artistique. Composée principalement entre le printemps 1803 et l’année 1804, Beethoven opère ici une révolution. Mais qu’a-t-elle de révolutionnaire ? Tout d’abord ses dimensions sont sans précédent : sa durée (plus de 50 minutes), ses très grands développements, sa puissance orchestrale, sa construction restent remarquables. L’œuvre est intimidante. Ici commence une nouvelle époque pour le compositeur, celle que les musicologues nomment le deuxième style, le style « héroïque ».
L’anecdote concernant la dédicace reste connue, quoique que certains auteurs l’aient parfois remis en doute : d’après Schindler, ce serait Bernadotte, ambassadeur français à Vienne qui aurait donné l’idée à Beethoven de composer une symphonie à la gloire de Napoléon. En effet, le compositeur ne cachait pas son admiration pour le héros français qui souhaitait exporter la révolution dans l’Europe entière. Humaniste, nourri d’idéaux républicains, Beethoven reconnut un temps en Napoléon, le modèle politique post-révolutionnaire. Mais lorsque son héros se fait sacrer Empereur, le compositeur allemand entre dans une colère monstre. Ries témoigne : « Je fus le premier qui apportai à Beethoven la nouvelle que Bonaparte s’est fait sacré empereur. Là-dessus, il entra en fureur et s’écria « ce n’est donc rien de plus qu’un homme ordinaire ! Maintenant, il va fouer aux pieds tous les droits humains, il n’obéira plus qu’à son ambition… il deviendra un tyran ! » Il alla vers la table, saisit la feuille de titre, la déchira de bout en bout et la jeta par terre. La première page fut réécrite à nouveau, et alors la symphonie reçut pour la première fois son titre : Sinfonia Eroica ».
La première audition a lieu chez le prince Lobkowitz (pour qui la symphonie est dédiée) en août 1804 et la première publique a lieu le 7 avril 1805 au théâtre « An der Wien ». La première chose qui dérouta le public, fut sa longueur, en quoi Beethoven répliqua qu’il écrirait une symphonie encore plus longue. La publication a lieu seulement en 1806 avec comme titre finale « Symphonie héroïque, composée pour célébrer la souvenir d’un grand homme. » En 1821, lorsque Napoléon décèdera à Saint Hélène, Beethoven déclarera : « Il y a 17 ans que j’ai écrit la musique qui convient à ce triste évènement ».
Allegro con brio : forme-sonate de grande ampleur. Le thème principal présente des analogies avec l’ouverture de Bastien et Bastienne de Mozart, mais il est beaucoup plus amplifié, et complexifié dans des développements riches et complexes. Mouvement débordant d’énergie. Son développement en deux parties beaucoup, est plus long que l’exposition. La coda reste particulièrement réussie.
Marche funèbre – adagio assai : Grand mouvement lent, d’une longueur et une densité sans précédent. Il reste en tout cas le mouvement le plus long des symphonies de Beethoven, excepté le finale de la Neuvième. Paraît-il que Hans von Bülow le dirigeait toujours avec des gants noirs. L’exposition comprend sept épisodes dans la tonalité tragique d’ut mineur. Une partie B en mi bémol apporte une certaine sérénité, et s’avère par moment très expressif.
Scherzo – allegro vivace : mouvement commençant en précipitation, d’abord pianissimo aux cordes, le thème est ensuite répété, développé puis repris fortissimo par tout l’orchestre. Le trio est très en contraste avec ce qui précède. Les trois cors jouant le motif semblent évoquer un air de chasse.
Allegro molto : mouvement final complexe constitué de neuf variations, deux fugatos, un développement et une coda triomphante. Beethoven utilise dans la quatrième variation le thème final de son ballet « les créatures de Prométhée ».