« Je vais saisir le destin à la gueule »
La Cinquième symphonie est avec la Neuvième la plus célèbre des symphonies de Beethoven, peut-être même de toute l’œuvre du compositeur. Incarnant souvent l’image même de la musique classique, c’est grâce à son premier mouvement rempli d’énergie que l’œuvre doit son immense popularité. L’ouverture foudroyante mondialement connue, un simple motif de quatre notes, nous identifie immédiatement avec le génie de compositeur. « So pocht das Schicksal an die Pforte » (« Ainsi le destin frappe à la porte »), aurait rapporté le compositeur à Schindler. Elle a un impact formidable sur toute la génération succédant à Beethoven. Berlioz, grand admirateur du génie allemand, est là pour en témoigner. Au chapitre XX de ses Mémoires, il raconte comment son maître Lesueur pourtant hermétique à la musique de Beethoven, fut bouleversé, même épuisé par l’émotion que lui a suscité la Symphonie. Remis de ses émotions, il dit plus tard au jeune Berlioz : « C’est égal, il ne faut pas faire de la musique comme celle-là », à quoi l’élève répondit : « Soyez tranquille, cher maître, on n’en fera pas beaucoup. ». Autre anecdote célèbre, toujours dans ses mémoires, Berlioz raconte qu’au cours d’un concert, un vieux grenadier de la garde Napoléonienne, au moment où débuta le finale, se leva et s’exclama : »L’Empereur, c’est l’Empereur! ». Même Goethe, alors réticent à la musique de Beethoven, fut saisi d’émotion par le chef-d’œuvre que le tout jeune Mendelssohn lui joua dans une transcription au piano. Lors de la seconde guerre mondiale, le début de la cinquième était le symbole de la résistance française, la BBC débutait ses messages radios avec les quatre notes frappées par les timbales comme indicatif de ses émissions à l’intention des pays européens sous l’occupation nazie. Trois brèves, une longue, significatif de la lettre V en morse : le V de la victoire, le V de la 5ème symphonie.
Contemporain de la Sixième
Cette symphonie est contemporaine de la Sixième composée pratiquement en même temps. Les premières esquissent datent de 1803, mais c’est en 1805 que Beethoven commence sérieusement sa composition. Après une coupure d’un an, il l’a reprend avec la Sixième symphonie et l’achève probablement en mars 1808. Ces deux jumelles, bien que d’un caractère totalement différent, sont toutes les deux jouées lors d’un célèbre concert datant du 22 décembre 1808 au Theater « An der Wien ». Le programme paraît aujourd’hui bien surchargé puisqu’il comprend en plus des symphonies, le Quatrième concerto pour piano opus 58, la Fantaisie chorale, ou encore des extraits de la Messe en ut. Les deux oeuvres sont présentées dans l’ordre inverse de leur numérotation définitive et paraissent chez Breitkopf et Härtel en 1809. Elles sont dédicacées conjointement au prince Lobkowitz et au comte Razumovsky.
Les quatre mouvements
Allegro con brio : une forme-sonate traditionnelle, basée sur le célèbre motif de quatre notes (motif déjà utilisé par Beethoven auparavant). Mouvement d’une grande intensité, d’une énergie débordante.
Andante : grande sérénité, où l’auditeur recherche la détente nécessaire après la tension accumulée par l’allegro qui précède. Il s’agit d’une variation libre à deux thèmes, seul mouvement lent de symphonie dans cette forme. Certains passages au cœur du mouvement s’avèrent très énergiques, et annoncent d’une certaine manière la finale.
Allegro : il s’agit encore une fois d’un scherzo bien que Beethoven n’en fasse aucune mention sur la partition. Une première partie mystérieuse, angoissante dans des nuances pianissimo s’oppose à une seconde fortissimo basée sur le même motif que le premier mouvement. Il s’enchaîne directement au finale sans interruption par un immense crescendo orchestral.
Allegro : Finale triomphant qui représente l’aboutissement de tout ce qui précède. L’éclatant ut majeur sonne la victoire du compositeur sur sa destiné.