Bellorophon, 1679
L’opéra de Lully a été récemment ressuscité en juillet 2010 (Beaune), éclairage
légitime tant la partition résonne avec fastes et finesse de la grandeur
de Louis XIV dont l’éclat guerrier et aussi pacificateur resplendit dans
chacune des tragédies lyriques ouvragées par Lully et Quinault au XVIIè.
Acte d’allégeance et de courtisan, célébration de la gloire monarchique
française, Bellérophon dépasse son enjeu politique: l’opéra atteint une
esthétique poétique à la fois grandiose et raffinée.
Opéra monarchique et guerrier
Créé à Paris en janvier 1679, Bellérophon est la 7è tragédie en musique
de Lully. Louis jubile de se voir en ce miroir idéalisé; et sa
maîtresse aussi, la Montespan qui deux ans auparavant avec Isis avait
fulminé: se sentant caricaturée dans le portrait de Junon, elle obtient
l’exil (provisoire) du librettiste Quinault. Et Bellérophon, l’ouvrage qui suit,
est confié dans sa prose et son livret à … Thomas Corneille, le frère
de Pierre.
Bellérophon est un modèle de vertu héroïque. Le fils de Neptune vainc la
chimère. C’est un sauveur auquel Louis peut aisément être comparé.
Louis guerrier éblouit dans la geste de Bellérophon d’autant que le roi
français a récemment soumis l’Europe grâce à la Paix de Nimègue qui
place la France en suzeraine conquérante et victorieuse de l’Espagne, de
la Hollande.
Pour enrichir son propos politique et de propagande événementielle,
Corneille frère invente simultanément une liaison amoureuse: Sténobée
aime Bellérophon qui lui préfère Philonoé. Pour sa venger Sténobée
suscite la magie d’Amisodar. Le mage fait surgir des eaux infernales
(Styx, Cocyte et Phlégéton) la Chimère, monstre redoutable né du corps
de 3 précédentes furies mi serpent, mi chèvre mi lion! C’est un dragon
capable d’embraser forêts et villages (déploration des divinités
rustiques au IV). Lully sait aussi fulminer, dans une partition
remarquablement expressive (actes infernaux II et III, intensité
affective, tendresse solitaire, accents martiaux et finalement
suicidaire: récit de Bellérophon au IV, prêt à renoncer…). Amour, haine et jalouisie, tendresse et vertu finale du héros font de Bellérophon, une partition admirable de finesse et d’équilibre. Révélation majeure.
France Musique
Auvity, Ingrid Perruche, Céline Scheen, Jennifer Borghi, Evgueny
Alexiev, Jean Teitgen, Robert Getchell. Chœur de chambre de Namur, Les
Talens lyriques. Christophe Rousset, direction. Concert enregistré à
l’Opéra de Versailles, le 17 décembre 2010.