mercredi 23 avril 2025

Lyon. Cnsmd, salle Varèse, mercredi 20 février 2008. Musique de chambre romantique (Schubert, Brahms) par dix étudiants du CNSMD

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Cursus et affinités électives

Il a été ici exprimé ce que les « concerts étudiants » pouvaient apporter en bonheur(s) à ceux qui choisissent d’aller écouter ces « amateurs » (au sens plein et noble du terme), en réalité déjà bien « pros ». Ainsi à la salle Varèse du CNSM, où la collectivité d’orchestre sous la houlette de Peter Csaba est sous les feux de la rampe. Bien d’autres formules – solistes ou chambristes – existent, mais les « concerts de classes » demeurent à la base, et ces spectrographies du cursus étudiant, mois par mois, présentent en action le risque consenti des « affinités électives » entre jeunes musiciens. Une atmosphère un peu autre règne en ces concerts d’entrée libre, où la présence d’habitants (entre autres, et probablement, venus du proche quartier de Vaise) modifie, par sa simplicité chaleureuse, les règles d’un « jeu du sérail » qui prévalent trop souvent dans les salles et les occurrences plus cataloguées.

Interroger Schubert
Au hasard des concerts de cette nature, on marquera donc d’un « gros caillou » blanc le « musique de chambre » du 20 février. D’une ouverture néo-haendelienne très plaisante par le contrebassiste Fabian Dahlkvist et l’altiste Lauriane David ( une Passacaglia descendue des fjords : Johan Halvorsen), on passe en centrage du propos romantique. Certes il y a des risques de menues imperfections et de faux-pas circonstanciels mais ils sont très lucidement assumés, et ces étudiants ont complètement raison de s’aventurer dans l’ultime Schubert, qu’ils semblent interroger et comprendre avec passion : comme si Franz n’était « que » leur aîné, disparu si cruellement tôt, et c’était au milieu de l’automne qui vient de se déverser en notre doux hiver de 2008… Sans doute faut-il voir là un conseil de leur professeur chambriste, le compositeur Franck Krawczyk, qui leur fait précéder le Grand Trio du trop peu connu « Auf dem Strom » (Sur le courant, 1828) créé lors du premier et dernier concert pleinement schubertien qui honora de son vivant le compositeur d’Erlkönig. Le timbre un peu blessé, le « climat » vocal si émouvant du ténor Julien Behr s’accordent parfaitement à ce texte mystérieux, d’obsession courageuse et menacée (avec le corniste Benoît Gausse) ; et la pianiste Marie Duquesnois y témoigne d’une belle intuition par sa sonorité en discret ruisseau, ce temps qui irrigue jusqu’à la fin toute pensée schubertienne. La même interprète, en compagnie de l’altiste Audrey Leclercq, « conduit » ensuite dans les Zwei Gesänge de Brahms l’intériorité de la chanteuse Madjouline Zerari, qu’on avait entendue dans une toute autre dramaturgie, baroque (Purcell), et ici en repli ombreux d’un Brahms déjà retourné à son monde nostalgique.

L’attente et l’impatience
Puis vient la durée pure, diraient les philosophes à propos du Voyage dans les quatre mouvements du 2e Trio par lequel Schubert s’accomplit totalement. La pianiste Emilie Laurens et la violoniste Juliette Boirayon y témoignent d’une ardeur, d’une endurance, d’une décision, parfois d’un abrupt dans l’attaque sonore qui impressionnent ; on a fugitivement envie de leur demander quelque relâchement de la tension. Et puis non, parce qu’on réalise à quel point est cohérente leur complémentaire rencontre avec la violoncelliste Clémence Ralincourt, étonnante de lointain poétique et de frémissement dans « l’air suédois » qui berce l’andante et revient par deux fois au dernier mouvement. C’est un peu comme si le tempérament des partenaires captait une part de la volonté schubertienne, faite aussi d’abandon en nostalgie vers un irrémédiablement perdu mais qui finit par triompher du destin. Franz n’eût-il pas aimé que ses cadets le révèlent en un tel frémissement, lui que les critiques négligèrent, fin mars 1828, pour aller écouter l’enchanteur-Paganini, et encore le Vénérable Goethe, hypnotisé par la brosse à reluire du factotum Eckermann ? Ainsi va parfois, en toutes époques, la jeunesse d’interprétations profondément justes d’intonation, d’impatience aussi, et de l’attente d’un « plus tard » qui affirmera le sens de la recherche du Temps. Et c’est très bien ainsi.

Lyon. Csnmd, salle Varèse, mercredi 20 février 2008. Franz Schubert (1797-1838): « Auf dem Strom », D. 943, 2e Trio, D.929. Johannes Brahms (1833-1897): Zwei Gesänge, op.91 ; Johan Halvorsen (1864-1935): Passacaglia. Fabian Dahlkvist, contrebasse ; Lauriane David et Audrey Leclercq, alto ; Madjouline Zerari et Julien Behr, chant ; Juliette Boirayon, violon ; Marie Duquesnois et Emilie Laurens, piano ; Clémence Ralincourt, violoncelle.

Illustration: Johan Halvorsen (DR)

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