mardi 22 avril 2025

Maria Callas. 1947-1957: de Fiorilla à Traviata, une décade légendaire

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Vérone: Serafin, Meneghini

Sur la scène italienne qui s’ouvre à elle, la jeune Cecilia Sophia Maria Anna a choisi de porter le nom nouveau de son père, Maria Callas. A 24 ans, la jeune femme, à Vérone, fait deux rencontres qui lui seront d’une aide précieuse pour le lancement de sa carrière. Tullio Serafin est à l’époque l’un des chefs les plus célèbres du milieu lyrique. A l’issue de la première répétition de la Gioconda dans les Arènes italiennes (30 juin 1947), les artistes dont Maria dînent dans un restaurant en face du théâtre en plein air. C’est là que la cantatrice remarque un riche homme d’affaires d’une cinquantaine d’année, Giovanni Battista Meneghini, passionné d’opéra et de voix, qui a fait fortune en dirigeant et développant la briqueterie familiale. Il deviendra son compagnon et surtout son impresario, un pilier protecteur, propice à son épanouissement personnel et artistique. Les deux amoureux partent illico à Venise. Au retour, ils décident de vivre ensemble. Meneghini devenu « Tita », s’occupera de tous les frais de la jeune soprano, lui assurant un confort matériel inespéré pour son essor, la maturité et l’excellence de son art.

1948, Florence: Norma

Vérone est un premier succès qui assoit définitivement l’aura de la jeune diva. Maria brille déjà par son tempérament scénique. Après La Gioconda, Callas enchaîne des rôles aussi « lourds », exigeant de l’interprète puissance et subtilité: Isolde (La Fenice, décembre 1947), Turandot, Leonora (de la Force du Destin de Verdi), Aïda…
Les prises de rôles se succèdent sans faute de goût ni erreur de parcours. La voix se chauffe: Maria est bientôt prête pour le premier grand rôle de sa vie de chanteuse. En plus de maîtriser techniquement sa partie, l’artiste dévoile un charisme envoûtant dû à son timbre déchiré, tragique, blessé. A l’Opéra de Florence, elle chante Norma de Bellini, le 30 novembre 1948, à 25 ans. Triomphe. Un rôle a trouvé son interprète. Plus qu’une rencontre passagère, l’art du chant tout entier s’en trouve bouleversé. En fusionnant art dramatique et théâtral, et chant lyrique, Maria Callas qui n’est pas encore la femme élégante qu’elle deviendra bientôt, époustoufle par son incarnation d’une exceptionnelle vérité, tendre, humaine, tragique. En « étant » son personnage, elle confère à chacune de ses prestations, une intensité émotionnelle inédite, bouleversante et stimulante à la fois, fragile et active… Norma a révélé le génie scénique de Callas: chanteuse et comédienne, une artiste accomplie est née. D’autant qu’avant elle, aucune chanteuse n’avait abordé le rôle créé par Bellini comme elle: outre ses dons scéniques, Callas réinvente avec justesse le style du bel canto romantique, mettant à disposition du « tragico-sublime » tel que l’avait conçu l’auteur de Norma, ses aigus perçants comme ses notes basses, au grain lugubre si spécifique.

1949, Maria épouse « Tita »Bientôt l’éclat de son talent se répand sur toutes les scènes du monde. Buenos Aires et le théâtre Colon la réclament. Mais avant, la cantatrice exige d’épouser Meneghini, son cher « Tita ». Le 21 avril 1949, Maria Callas épouse Giovanni Battista. A minuit, après la Noce, Maria embarque à Gênes dans un bateau qui l’emmêne en Argentine. La célébrité l’engage dès lors dans sa course effrénée. Loin d’atténuer son aura, la diversité des personnages qu’elle incarne alors (plus de 15 rôles différents chantés entre 1948 et 1952) soulignent a contrario, l’exceptionnel talent de l’actrice. Enfin, après les scènes de Rio et de Sa Paolo, « La Callas », est demandé à la Scala de Milan, qui par la volonté de son directeur était jusque là, le temple de Renata Tebaldi, dont l’angélisme miraculeux, autre prodige vocal de l’époque, est aussi ensorcelant dans les aigus que le timbre de Callas peut être sombre et lugubre. Les journalistes ont eu tôt fait de distinguer Callas et Tebaldi; ils ont même opposer en elles, les deux versants de l’âme humaine. En vérité rien de tel entre les deux divas. Aucune opposition ni rivalité. Et d’ailleurs, très peu de rôle en commun.

1955, Milan: Traviata

Déjà le souffle théâtral de l’actrice est admiré par les amateurs les plus exigeants. Lucchino Visconti souhaite lui offrir un rôle à sa mesure… projet réalisé dans le rôle de Fiorilla du Turc en Italie, à l’Opéra de Rome. Dans le rôle axial, qui met en scène une femme épanouie, instigatrice, arbitre des délires les plus piquants, « La Callas » sur la scène romaine, éblouit tout autant que s’il s’était agi d’un rôle tragique. Triomphe. Dans le sillon de cette rencontre artistique et humaine phénoménal, Callas et Visconti travailleront ensemble pour La Vestale, La Somnambula, Anna Bolena, Iphigénie en Tauride… Bellini, Donizetti, Gluck: il semble que tous les registres de la féminité amoureuse, blessée, tragique, digne, apeurée, active, soumise… soient relevés et transfigurés par le génie de l’hallucination et du don total dont était alors capable la diva.
La collaboration entre le metteur en scène et la divina monte d’un cran encore, avec la production de La Traviata, en mai 1955 à la Scala de Milan, sous la baguette de Carlo Maria Giulini. Maria « est » Violetta Valéry, lui conférant une dignité humaine, une vérité théâtrale jusqu’alors inédite. De nombreux témoignages (et un enregistrement!) ont fixé l’aura et le magnétisme irrésistibles avec lesquels la cantatrice a su incarner de façon légendaire, le rôle verdien. Plus qu’une artiste exceptionnelle, « La Callas » est devenu un mythe.
La fascination dont Maria fut alors capable, vient certes de sa voix et de son génie, elle s’est imposé aussi grâce à l’aspect de la nouvelle femme qu’elle est peu à peu devenue: élégante, impériale, élancée. Sa silhouette fuselée en fait, aux côtés de la diva lyrique, de l’immense actrice, une icône féminine que certains n’ont pas hésité à qualifier de sexy et de glamour. Aucun doute: en avance sur son temps, la Divina, aurait aujourd’hui fait un carton, d’autant plus à notre époque où en plus d’être talentueux, il faut aussi offrir au public une « image » cinématographique… Maria Callas, trentenaire, a tout pour elle: le talent, la gloire, la beauté. Sauf peut-être l’amour, la passion véritable qu’elle sait exprimer sur scène dans les rôles qu’elle a marqué tels La Traviata, Tosca, Norma… Et l’amour frappera bientôt à sa porte… Un nouveau coup du destin se précise, fracassant, en 1957.

Crédits photographiques
Maria Callas dans le rôle de Turandot
Maria Callas dans le rôle de Violetta Valéry (La Traviata)

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