Maurice Ravel
Valses nobles et sentimentales
La Valse
France Musique
Dimanche 10 janvier 2010 à 10h
La tribune des critiques de disques
Valses françaises
Composées sur le piano (et pour le piano) en 1911 dédiées au compositeur Louis Aubert, Les Valses nobles et sentimentales (7 pièces suivies d’un épilogue) sont créées le 9 mai 1911 (Salle Gaveau), avec pour le public qui n’a pas été informé de l’identité de l’auteur, la proposition de la deviner. Créateur forcené des oeuvres de son époque, Pierre Monteux, après Le Sacre du Printemps de Stravinsky (en mai 1913), créée le 15 février 1914, la version orchestrée par Ravel des Valses. Entretemps, Ravel poussé par la danseuse Natacha Trouhanova conçoit une version chorégraphique des Valses, lui attribuant une existence sous la forme d’un ballet: « Adélaïde ou le langage des fleurs »: à l’époque de la Restauration, Adélaïde hésite entre ses 2 soupirants (le duc et Lorédan). C’est dans les bras du jeune homme qu’elle tombe éperdue, lui offrant son buste sur lequel s’expose une rose rouge… la chorégraphie est représentée pour la première fois au Châtelet, le 22 avril 1912, en partageant l’affiche avec La Péri de Dukas, et La Tragédie de Salomé de Schmitt (!).
Ravel avoue avoir être inspiré par Schubert dont il veut restituer une nouvelle chaîne de valses. Après la virtuosité du Gaspard de la nuit, Ravel se souvient de l’harmonie structurant toute la partition. Le compositeur ne reste pas dans les valses cependant mais explore avec un génie immense les possibilités harmoniques qui frottent parfois, suggèrent souvent, sans écarter les tensions audacieuses (frottements harmoniques et martelés de la première valse). Acidité des bois, rêve des flûtes, trame chatoyante des cordes (6è valse), dynamique onirique et langueur caressante de la 7è (plan ABA). La fin est une conclusion évanescente qui s’anéantit elle même sans tension. Le climat des Valses est celui d’une futilité profonde dont la forme si ciselée parle directement à l’âme. Les éclats acerbes et âpres des Valses annoncent les futures convulsions de La Valse (1920), couronnement des recherches du compositeur dans ce domaine… et hommage au grand Johann Strauss. Au final, rien n’est moins décoratif et creux que les Valses de Ravel. Comme celle de Schubert ou Johann Strauss. Leurs parfums ne singent pas la vie: ils sont la vie elle-même.