mardi 22 avril 2025

Max Emmanuel Cencic, contre-ténor. Portrait

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Max Emmanuel Cencic,
contre-ténor

Originaire de Yougoslavie, Max Emmanuel Cencic, né le 21 septembre 1976, dès l’âge de 6 ans fait valoir sa voix rayonnante et cristalline, dans le rôle de la Reine de la nuit de La Flûte enchantée de Mozart à Zagreb, sa ville natale. Son timbre de sopraniste affirme immédiatement un chanteur doué et passionné, d’une agilité exceptionnelle. Entre 1987 et 1992, il est membre des Petits chanteurs de Vienne, parcourant le monde (Europe, Asie, Amérique du sud) au cours de tournées. L’adolescent ne tarde pas à rejoindre les scènes lyriques: La Flûte enchantée sous la direction de Nikolaus Harnoncourt, le Pastorello de Tosca (début du dernier acte), le solo au deuxième acte de La Bohême, dans la mise en scène d’Harry Kupfer. En 1990, M.E. Cencic chante la partie de solistes dans plusieurs messes de Bach à Salzbourg, sous la direction de Peter Schreier.

Après avoir mué, l’adolescent parvient à conserver son agilité vocale en voix de tête, grâce à la technique que lui transmet sa mère, Silvia von Vojnic-Purcar. Septembre 1992, M.E. Cencic débute sa carrière de soliste, comme sopraniste, accompagné par Norman Shetler. Entre 1992 et 1997, le chanteur interprète les lieder de Schubert (Schubertiades avec Angelika Kirschschlager en 1994), incarne l’ange Gabriel de La Création de Haydn. Avec Axel Köhler et Nancy Argenta, il se perfectionne également dans le chant haendélien. L’artiste souhaite cependant marquer une pause dans la poursuite de sa carrière.

Retour en 2001 sur la scène des concerts et des récitals… comme contre-ténor, avec un programme de Cantates de Domenico Scarlatti, accompagné par l’ensemble Ornemente 99 que dirige Karsten Erik Ose. Très applaudi dans ce « nouveau » répertoire dramatique et ciselé qui convient idéalement à sa voix fluide et colorée, M.E. Cencic ne tarde pas à enregistrer en février 2002, ce récital scarlattien, probablement composé pour Farinelli à la Cour d’Espagne. Depuis cette date, le soliste poursuit sa carrière sur scène, dans de nombreuses productions lyriques dont Tamerlano de Haendel (Glasgow, 2005). Il chante Sposa, aux côtés de Philippe Jaroussky (Alessio), dans Il sant’Alessio de Stefano Landi sous la direction de W. Christie, à Caen et à Paris, en octobre et en novembre 2007. Au sein d’une production qui ne compte que des voix masculines et de nombreux autres contre-ténor (dont le français Jaroussky), Max Emmanuel Cencic surclasse ses partenaires son sens dramatique, sa tenue, son éloquence.

Discographie

Domenico Scarlatti (1685-1757): 4 Cantate d’amore (2002)
La suavité langoureuse de Domenico égale assurément l’expressivité dramatique de son père, Alessandro. Le tempérament indiscutable du contre-ténor croate Max Emmanuel Cencic, ne faillit pas à sa réputation. La vocalità est ici admirablement conduite. Le legato est continu, les couleurs et la précision des accents, polis, orfêvrés, superbes de souplesse et de musicalité. Outre la ciselure de l’intonation, l’articulation souligne l’intensité émotionnelle des textes qui sont autant de tableaux extatiques et doloristes, lamentos et déplorations, d’une âme traversée par les ondes dévastatrices du seigneur Amour. L’ancien sopraniste, chanteur avéré dès ses 6 ans, déploie une aisance musicale et aussi une sûreté charnelle, captivantes. L’artiste se dévoile en particulier dans l’ornementation aiguë et sensible des récitatifs, car la sensibilité de Scarlatti a soigné autant les airs que leurs préambules.
Le corpus musical ainsi abordé pourrait être celui destiné par le compositeur au Farinelli mûr, âgé d’un quarantaine d’années, vers 1745/50, un chanteur habile qui après ses triomphes londoniens, aimait alors approfondir la coloration psychologique et sentimentale de ses rôles. Le timbre de Cencic se moule parfaitement dans l’agilité souffrante, à l’ivresse illimitée, de l’amant trahi, dépossédé, abandonné (Dir vorrei), encore balbutiant, possédé par un rêve à la lascivité explicite (Pur nel sono)… tiraillé, exangue mais encore plein d’une rage amère. L’éconduit tempête en vain (Tinte a note di sangue), pour finalement renoncer et accepter sa solitude (Scritte con falso inganno). L’attention tantôt accentuée, tantôt murmurée de l’ensemble Ornamente 99, fondé en 1999, soutient la riche palette d’affetti du soliste. Voilà qui donne une vision très juste et même palpitante de l’ambiance à la Cour d’Espagne où Scarlatti comblé d’honneurs, et Farinelli à la voix surnaturelle, adoucissaient à leur mesure, la crise mélancolique du roi Philippe. Ici, la gravité et la vérité de l’intention amoureuse dépassent la simple et artificieuse acrobatie vocale. La tenue de Max Emmanuel Cencic écarte toute affèterie et cible précisément ce qui est en jeu: la peine profonde, ses vertiges indicibles, ses résonances intimes. De quoi en effet apporter plénitude et rayonnement à l’esprit le plus sombre: ces quatre cantates ou « remèdes musicaux » pourraient être celles dont se délectait l’insondable mélancolie du Souverain ibérique. La voix exulte, sa cabre, s’enflamme et s’embrase, ne sacrifiant jamais l’humaine langueur. Récital admirable (1 cd Capriccio 670674. Durée: 1h).

Antonio Caldara (1671-1736): Cantates (2004)
On doit à René Jacobs d’avoir révélé le pur joyau qu’est l’oratorio La Maddalena ai piedi di Christo, chef d’oeuvre dévotionnel de l’extrême fin du Seicento vénitien (composé pour l’église de la Fava par Caldara). Au timbre toujours admirable de fluidité et de musicalité du contre-ténor Cencic revient la révélation de la sensibilité intimiste du compositeur dans l’art miniaturiste de la cantate. Le relief de la voix gagne en profondeur au cours du récital. Le dramatisme sombre du timbre déploie un feu intérieur capable de remarquables subtilités de couleurs et d’accents là encore. Dans le sillon des cantates scarlattiennes,- enregistrées en 2002-, ces nouveaux joyaux caldariens confirment outre le don expressif de l’interprète, le tempérament du compositeur, maître de chapelle à Rome du Prince Ruspoli, puis vice-maître de chapelle à la Cour impériale de Vienne, aux côtés de Fux, à partir de 1716. Egale de Haendel, Caldara se montre d’une exquise sensibilité, mesuré, jamais outrancier, d’une élégance rare, y compris dans les mélismes les plus tortueux. Nouvel accomplissement d’un artiste mûr et qui malgré ses travestissements et ses diverses audaces vestimentaires, sait défendre et tenir sa ligne. Avec ce nouvel album, le « phénomène Cencic » s’impose indiscutablement (1 cd 671244. Durée: 1h).

Domenico Scarlatti (1685-1757): Cantates
(2005)
Cantates: Con qual cor mi chiedi pace? Fille, già più non parlo. Qual pensier, quale ardire. No, non fuggire. Ti ricorda, o bella Irene. Sonates K 277, K 77. Aline Zylberajch (forte-piano), Maya Amrein (violoncelle), Yasunori Imamura (théorbe) (1 cd Capriccio 671732 + 1 dvd: 1h, Portrait de Max Emmanuel Cencic)

Rossini: arias héroïques (1 cd Virgin Classics)

Max Emmanuel Cencic poursuit sa course temporelle: après les géants de la vocalità baroque, tels Caldara, Scarlatti ou Vivaldi, le contre-ténor décide d’aborder Rossini, dans plusieurs airs d’opéras. Il s’agit pour lui, de retrouver l’ancienne tradition vocale rossinienne, quand les rôles masculins étaient chantés par les castrat, en particulier Velluti, avant que les mezzo féminins ne s’emparent de ce répertoire. Avec l’Orchestre de chambre de Genève, direction: Michael Hofstetter. Lire notre critique du cd Rossini: arias par max Emmanuel Cencic (Virgin classics)

Agenda

Après un premier récital parisien en mai 2007, salle Gaveau, M.E. Cencic prépare le rôle de « Sposa » d’ Il Sant Alessio (chanté par Philippe Jaroussky) de Stefano Landi sous la direction de William Christie, sur la scène du Théâtre des Champs Elysées. Les 21, 23, 24 novembre 2007 (production « rôdée » à partir du 10 octobre, au Théâtre de Caen, au barbican center de Londres, puis au Lincoln center de New York).

Visitez le site de Max Emmanuel Cencic
Lire notre entretien avec Max Emmanuel Cencic à propos de son disque Rossini

Crédits photographiques
Max Emmanuel Cencic (DR)

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