vendredi 25 avril 2025

Messiaen en Matheysine (38) Les 20 et 21 septembre 2008

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Messiaen en Matheysine (38)
Les 20 et 21 septembre 2008
« Sur les chemins de Messiaen et des oiseaux en Matheysine (38), deux journées du Patrimoine consacrées à Olivier Messiaen, 20 et 21 septembre 2008

En 2008, beaucoup de saupoudrage Messiaen, mais à côté d’un vrai Festival (La Grave) qui n’a pas attendu cette année de centenaire, on est heureux de saluer des initiatives comme celle du compositeur Bernard Fort, avec la Communauté de communes de Matheysine. Sur les lieux même où Messiaen fut à l’écoute de la montagne et de ses chers oiseaux, une double journée patrimoniale, active et très originale.

Messiaenique ? Ou autres orthographes ?
Il y a bien des façons de célébrer les anniversaires de naissance, a priori plus festifs que ceux de mort. Qui pourrait ignorer que les Souvenirs d’en France (musicale) sont en 2008 extrêmement…mais comment forger l’adjectif, déjà un problème qui nous éclaire sur les dimensions hors-normes du compositeur prénommé Olivier. Donc : messiaenesque ? (pas très gracieux) ; messiaenien (plus classique en suffixe désignant des œuvres) ? messia(e)nique (mais il faut jouer sur l’orthographe et le double sens d’un « Messie » que justement attendait Olivier Messiaen) ? Bref, le compositeur chrétien le plus affirmé du XXe siècle, en son temps l’un des plus novateurs dans le langage musical, qui ouvrit les oreilles -pour des raisons fort complexes dans la motivation – de nombreux auditeurs à l’art contemporain, mais dont la foi catholique intransigeante, militante et réactionnaire (en autres arts et dans la vie de la Cité) put susciter méfiance, voire hostilité. Par ailleurs pédagogue à nul autre pareil et laissant monter – surtout vers la fin de sa vie – une atmosphère de vénération…quelque peu religieuse autour de sa personne, Messiaen demeure à la fois « ouvert » comme personne – aux langages non-européens, entre autres -, et fermé, comme on dirait : circuit fermé, pour désigner cette forme bien particulière de théocratie (théorie du Pouvoir Divin commandant la vie collective et individuelle)… musicienne, qu’il défendit et illustra d’une autorité absolue, encore qu’avec une douceur insistante de mystique pour qui Dieu est l’Unique Voie vers le Salut…

Le cimetière lacustre
Ainsi en 2008 bien des institutions musicales rendent hommage au compositeur : au mieux de l’engagement, le Festival de la Meije (La Grave) qui depuis déjà longtemps s’appelle à juste titre Messiaen, et qui célèbre chaque juillet sous la Montagne Magique de l’Oisans la pensée de celui qui aimait tant les paysages alpins, et celui-là en particulier. Au moins passionné, ou au plus réaliste, ou avec les moyens du bord, tous ceux qui mettent une goutte de Messiaen dans leur breuvage euphorisant de saison… On ne saurait en tout cas passer sous silence, en Isère même et au cœur des lieux messiaeniens par excellence, une double-journée inscrite à la jonction été-automne et dans le cadre des Temps du Patrimoine, sur le thème : « les chemins de Messiaen en Matheysine et sous les arbres de ses oiseaux ». Vous avez dit : Matheysine où et quoi ? Plateau entre le sud de Grenoble et le nord de Gap, où des lacs en…chapelet (topographique) avaient su retenir l’auteur des Catalogues d’Oiseaux, prodigieusement à l’écoute des voix de la Création, et qui établit à côté du lac de Laffrey (haut lieu connu du Souvenir Napoléonien parce que revenant de l’exil d’Elbe, le Petit Caporal sut y « retourner » les soldats délégués pour l’arrêter, mais c’est hors-sujet-messiaen !) une résidence secondaire où il vint l’été, depuis 1936 jusqu’à sa mort, se reposer, c’est-à-dire méditer et composer « sous la dictée des anges et des oiseaux ». C’est d’ailleurs en ce territoire (Saint-Théoffrey) qu’il a désiré être enterré, et qu’en guise de cimetière…lacustre, on peut l’imaginer – comme chantait avec tendresse irrévérencieuse Brassens, pensant à Paul Valéry – « à deux pas des flots bleus, partir en pédalo sur la vague en rêvant et passet sa mort en vacances ».

N’oublie pas le magneto !
Messiaen était prodigieusement précis, observateur bardé de moyens d’enregistrement ( « Yvonne, n’oublie pas le magnétophone portatif » – disait-il – dit-on – à sa pianiste d’épouse, Yvonne Loriod au nom si prédestiné : ainsi se complétaient le bloc-notes et la mémoire immédiate !) qui lui permettaient avec une infinie patience de musicien en même temps qu’une connaissance scientifique d’ornithologue d’intégrer à son œuvre le Chant de la Création. On songe bien sûr aux oiseaux, si omniprésents dans son œuvre, mais aussi aux sons de la nature « là-haut », si fascinants pour qui écoute avec intensité les bruits du vent et des torrents , le « grondement de la montagne », et cette mélodie infinie qui se baigne de silence. Avec l’enthousiasme mystique d’un François d’Assise – qu’il mit en opéra-oratorio -, Messiaen, à sa façon moderne et archaïsante, écrivit sans cesse son « Cantique des Créatures », où la Parole du « sauvage et multiforme animal » (comme disait un Romantique allemand) rejoint en une immense fraternité les balbutiements de l’humain : frère oiseau, sœur pluie…et tant d’autres sont dans l’œuvre pour témoigner de la Splendeur de Dieu, de l’humilité adorante de tous ceux qu’Il a créés. Au Catalogue d’Oiseaux, le chocard des Alpes, la chouette hulotte, la buse variable, la fauvette des jardins, le merle noir, la rousserolle effarvatte participent de cet hymne à mille voix réelles.

Un compositeur et ses inventions
Et il est bien – voire émouvant – que cette double journée d’hommage en Matheysine soit inventée et proposée par un compositeur lyonnais, Bernard Fort, fondateur du GMVL (Groupe de Musiques Vivantes de Lyon), un Studio qui maintient haut et ferme la pensée acousmatique, lui-même ornithologue reconnu et « intégrateur » dans son œuvre de tous les chants d’oiseaux européens qu’il « transforme acoustiquement en en gardant l’essence même ». Bernard Fort vient lui-même de passer un an de résidence en Matheysine pour y écrire ses propres compositions « à l’ombre de Messiaen et du vol des oiseaux », et ce qu’il propose dans le cadre de la Communauté de Communes de la Matheysine (avec des « acteurs » sulturels, notamment scolaires) s’inspire totalement de ce qu’il vit « là-haut ». Ces 20 et 21 septembre inviteront donc les spectateurs à une activité messaiaenique de synesthésie, comme les aimait Olivier ( qui entendait en lignes et couleurs d’espace…). Des balades ornithologiques sont menées par J.P.Biessy, le site « sur les pas de Messiaen » (belvédère, propriété, chapelle, église et cimetière) sera visité, on inaugurera une plaque commémorative, on pique-niquera, on fera « une promenade culturelle et sensorielle, des ateliers fonctionneront, il y aura à La Mure une exposition et du cinéma (documentaire inédit de N.Vidal)…Et bien sûr des concerts : les Catalogues d’oiseaux seront joués par le pianiste Hugues Denolly, la pièce acousmatique de B.Fort, Fouillis d’oiseaux, sera donnée en création, sans oublier les Oiseaux exotiques (Orch. Hypercuivres, dir. Bruno Peterschmitt) et le mythique Quatuor pour la fin du temps (M.Louis, C.Brouet, F.Rochet, D.Jeannet) . « Oiseaux si tous les ans »… chantait aussi Mozart –si aimé de Messiaen -, si tous les ans désormais vous réinventiez si bien les musiques….

Messiaen en Matheysine (Dauphiné, 38). Double journée dans le cadre du Patrimoine , 20 et 21 septembre. Concerts, ateliers, visites, célébrations en différents lieux de Matheysine (38) : St Théoffrey, Petichet, La Mure…(navettes gratuites de cars pour les spectateurs). Informations et réservations : T. 04 76 30 98 15 ou le site Messiaen en Matheysine

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