Le guitariste né en 1983 dans le Montenegro, Milos (de son nom complet Milos Karadaglic) revient chez Deutsche Grammophon avec ce deuxième album qui après Mediterraneo paru en 2010, sélectionne plusieurs pièces aux rythmes chaloupés, éminemment latins, argentins ou brésiliens entre autres, qui de Villa-Lobos à Piazzolla cultivent avec quel raffinement sonore, le blues de l’âme. 16 mélodies font ici une succession de miniatures en solo ou avec orchestre.
L’évidente agilité digitale, la maturité de l’interprète qui sait nuancer, trouvent souvent de très belles couleurs: sa formation à la « RAM » Royal Academy of Music de Londres (dès l’âge de 16 ans et pendant 9 ans comme élève de Michael Lewin) porte ses fruits et se dévoile dans ce programme plutôt stylé: le célébrissime Prélude n°1 en ses crépitements nostalgiques de Villa Lobos, coule avec une géniale ivresse amère soulignant tout ce que peut y apporter l’inventivité musicale du guitariste du Montenegro.
Même affinité évidente avec Mazurka-chôro du même Villa Lobos: finesse et subtilité émotionnelles affûtées distinguent aujourd’hui un artiste qui est mis en avant comme une popstar, look de crooner; ceux qui n’y verraient qu’un dispositif marketing trompeur pourraient bien manquer la chance de découvrir un vrai tempérament musicien: car il a de l’éloquence et une intériorité à rebours des effets tapageurs. De son tour méditerranéen parcouru tout au long du premier album, Milos traverse ici l’Atlantique et gagne les rivages contournés de l’Amérique du Sud: au centre, évidemment les pièces de Villa-Lobos, auteur clé dont le style a offert des partitions majeures conçues avec la complicité de Segovia qui en fut le dédicataire, et qui reste selon Milos: « le Callas de la guitare », soit un modèle toujours consulté, invoqué, célébré.
Milos, le nouveau poète guitariste
En roi du tango et des mélodies populaires les plus nobles qui parlent au coeur immédiatement, Carlos Gardel dont Por una cabeza écrit en 1935, l’année de sa mort, paraît ici d’une suavité souveraine, légère, badine à laquelle Milos apporte une distinction pudique. Même entrain pour cet autre tango très connu, La Cumparsita de l’uruguayen Gerardo Matos Rodriguez, composée en 1917: Milos souligne avec un sens des nuances personnel, le déséquilibre et les vertiges d’un air ciselé entre nostalgie et tendresse.
Puis de Dyens (Tango en skaï), d’origine tunisienne (référence à Mediterraneo?), Milos choisit l’inévitable Piazzola (qui ouvre le récital avec son Libertango) dont le second morceau Oblivion sombre dans une gravité mélancolique: le talent de Milos, superbe sensibilité jamais démonstrative, déploie élégance, intériorité et mesure: une classe naturelle apprise et cultivée encore en Angleterre? Cet air donne au programme une couleur tragique et profonde comme un film d’Almodovar. C’est dire la justesse stylistique avec laquelle le guitariste aborde l’ensemble des pièces.

concerts
30 juin à Bruxelles, le 2 juillet à Paris (Café de la danse),
le 4 juillet (Pittville Pump Room, Cheltenham), 27 août à Londres (BBC Proms concert Royal Albert Hall), 5 septembre à Zurich (Tonhalle)… voir toutes les dates et les lieux sur le site de Milos