vendredi 25 avril 2025

Modest Moussorsgki: Tableaux d’une exposition (1874)

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Modest Moussorgski
Tableaux d’une exposition
, 1874


Pour honorer la disparition de l’architecte Victor Hartmann, ami du compositeur et plus globalement du Groupe de Cinq, une exposition de ses dessins et maquettes fut organisée au début de l’année 1874. Moussorgski de son côté, en écrivit une partition d’abord pour piano, en juillet de la même année. C’est donc un cycle rétrospectif, inspiré par les images et les formes de son ami, et dans lesquelles le musicien, comme une lettre adressée à Vladimir Stassov le précise, a mêlé son propre portrait ( précisément dans chaque promenade intercalaire). Le musicien fait oeuvre de mémoire, d’autobiographie, non dénuée d’une certaine auto-dérision. D’autant que chaque scène musicale ne suit pas strictement les tableaux de la dite exposition mais est plutôt l’expression d’un fantasme personnel, l’image d’une recréation totalement subjective.

Entre Promenades et tableaux musicaux
Après la première promenade introduite par la trompette, surgit le portrait grimaçant et même démoniaque du Gnomus (initialement un Casse-Noisette). Une deuxième promenadeVecchio Castello plus douce (cor), mène aux portes du dont le motif nostalgique est chanté au basson puis au saxophone (dans l’orchestration de Ravel, 1922). Une troisième promenade, plus éclatante, mène aux Tuileries parisiennes où jouent de jeunes enfants. Moussorsgki écrit l’une des partitions les plus oniriques sur le thème de l’enfance et de la légèreté, de l’insouciance. Aucune transition pour le morceau suivant qui évoque le chariot polonais tiré par des boeufs ou Bydlo dont basson, tubas et cordes évoquent le pas lent et grave. Une quatrième version de la promenade, mais cette fois, dans le registre aigu des bois puis des cordes introduit le Ballet des poussins dans leurs coques, sommet musical humoristique. Sur une mélodie juive, Moussorgski aborde ensuie le double portrait de Samuel Goldenberg, riche et vaniteux, et de Schmuyle, pauvre et plaintif… le plus argenté prend congé brutalement du second. Ensuite, s’ouvre le marché de Limoges, fresque foisonnante où se presse une foule sonore et bigarrée. Après avoir sombré dans les gouffres des Catacombes, l’orchestre entonne le nouveau chant de la promenade, Cum mortuis in lingua mortua, mais traversée par les spasmes des trépassés. Le délire de Moussorgski atteint un nouveau sommet avec la Cabane sur des pattes de poule, qui abrite l’antre de la sorcière Baba-Yaga… Enfin, le finale explose entre grandeur et festival éruptif dans la Grande Porte de Kiev, où le souvenir de la promenade ressuscite.

De la version originale pour piano laissée par le compositeur, beaucoup de compositeurs ont orchestré le cycle entier, séduits par sa richesse mélodique et ses contrastes de rythmes, de dynamiques, de climats et de caractères, par sa charge ironique, mordante, et tout autnat rêveuse, fantastique voire surréaliste. Touchmalov (1891), Funtek (1921), Leonardi (1924), et même Vladimir Ashkenazy (1983) y ont ainsi succombé. Mais celle de Maurice Ravel, réalisée en 1922, demeure la lecture le plus souvent retenue au concert, tant elle regorge de subtilités et de trouvailles de couleurs, convaincantes, habilement troussées, en parfaite affinité avec le génie de Moussorgski.

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