mardi 22 avril 2025

Monteverdi, Le Retour d’Ulysse dans sa patrie. Mezzo.

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Fidèle à Orfeo, certes écrit en 1607, mais qui en marque une première étape génératrice, Il Ritorno d’Ulisse créé après 1640, témoigne des recherches ultimes du compositeur Claudio Monteverdi, dans le registre de la musique dramatique. Au compositeur italien, père du genre opéra, revient le mérite de fusionner poème et musique, et même d’inféoder totalement chant et continuo instrmental, pour l’explicitation de l’action. Musique syllabique, articulant le texte, servant au plus près, les intentions de la parole afin d’édifier un drame musical, Ulisse est d’abord une action, un drame, un poème. D’ailleurs, les sous-titres des œuvres dont il est question suffisent à clairement synthétiser l’apport du maître au genre opéra : favola in musica pour Orfeo, dramma in musica pour Ulisse. Ici, au cœur de l’esthétique montéverdienne, se déploient texte et action, et non, comme il en sera question à l’âge baroque en sa pleine maturité, chanteurs et voix.

Ici, prolongeant les enseignements philosophiques d’Orfeo (l’homme même s’il est capable de miracle, comme le pouvoir d’un chant émouvant, ne peut dominer ses passions), de Poppea (rien ne peut être plus fort que le désir et l’amour conquérant), Ulisse poursuit une certaine vision désillusionnée du monde : l’homme est l’objet impuissant de trois forces imprévisibles : temps, hasard, amour. Les retrouvailles d’Ulisse et de Penelopa, même si elles se réalisent in fine, ne viennent qu’après une longue errance inquiète, désabusée, solitaire, vécue par chacun des protagonistes.

Comme Poppea, Ulisse ne nous est pas parvenu sous la forme de la partition autographe. Seules subsistent des copies dont il faut déduire la version composée par Monteverdi. Cela est d’autant plus difficile que les dernières découvertes ont révélé que la composition des deux derniers opéras du compositeur,seraient des œuvres collectives, où autour du maître, à la façon des grands peintres de l’époque, travaillèrent de nombreux disciples. Ouvrage solitaire ou partition d’atelier ? Quoiqu’il en soit, il s’agit bien des œuvres phares, dramatiquement et esthétiquement cohérentes et abouties qui restent les prototypes de l’opéra vénitien du premier baroque.
Alors qu’Ulisse obtient des dieux qu’il retrouve la rive de sa terre natale, Penelopa est pressée par les prétendants et sa servante Mélante, d’oublier son époux parti depuis des années, et de prendre une nouveau mari qui sera le nouveau souverain d’Ithaque…

Que pensez de cette production filmée à l’Opéra de Zurich? Forcément du bien. Et même, davantage : la scénographie dépouillée de Klaus Michael Grüber permet au drame et au théâtre de respirer : les décors sont d’un dépouillement qui renvoie à une antiquité à la fois âpre et humaine. La direction de Nikolaus Harnoncourt est à la fois précise et lyrique, elle soutient les talents vocaux – et non des moindres- : la Pénélope de Vesselina Kasarova est sincère, tendre et digne. Le rôle met en valeur l’ample ambitus tragique de la chanteuse, quant à l’Ulysse de Dietrisch Henschel, il est bouleversant dans son acceptation du destin : souffrir, résister, se battre pour vaincre… L’une des productions musicales les plus convaincantes publiées chez Arthaus Musik et que Mezzo diffuse avec pertinence, en mai et en juin !

Diffusion
Le 16 à 15h45, le 19 à 2h50 et le 26 mai à 15h45

Discographie
René Jacobs, solistes, concerto vocale, Harmonia mundi, 3 cds.
Nikolaus Harnoncourt, solistes, Concentus musicus de Vienne, Teldec (1971), 3 cds.
Gabriel Garrido, soliste, Elyma, K617, 3 cds.

Crédit photographique : tête de combattant (Rome, Museo nazionale Romano)

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