Joyau bellinien
Pourtant, cet opéra recèle de véritables trésors musicaux, notamment le superbe duo « Ma se tu m’ami, o barbara », moment culminant de l’amour impossible et pourtant brûlant entre Zaira et Orosmano.
Bellini y déploie, fidèle à lui-même, son art de la cantilène et de l’épure des lignes instrumentales et vocales, jamais décoratives ni surchargées. Pour la première française de cette pièce, le festival de Montpellier, dont l’offrande de raretés est un axe de sa programmation, fait valoir de sérieux atouts : l’une des meilleures réalisations de son édition 2009? L’Orchestre National de Montpellier, rutilant, se montre sous son meilleur jour, homogène et raffiné, à la sonorité éclatante dès l’introduction, une prestation de haut niveau. Le chœur de la Radio Lettone est exemplaire de justesse et d’élégance dans la conduite du son, protagoniste à part entière, commentant l’action tout en y prenant part.
La distribution réunie pour servir ce drame est plus que convaincante. Ermonela Jaho semble avoir progressé dans ses connaissances techniques du bel canto. Les vocalises sont plus précises que par le passé et la ligne vocale mieux conduite. Reste un vibrato grelottant qui gagnerait beaucoup à être canalisé. Cependant, la voix est admirablement projetée et passe sans effort au-dessus de la masse orchestrale et chorale, les aigus tintant aux oreilles du public de façon remarquablement sonore.
Chapeau bas pour le baryton-basse chinois Wenwei Zhang, doté d’un timbre somptueux, maîtrisant une technique remarquable – si on excepte un léger engorgement dans l’aigu – et capable d’un legato impeccable et de nuances délicates. Un nom à suivre dans le répertoire belcantiste. La mezzo arménienne Varduhi Abrahamyan fait entendre son timbre riche et corsé, véritablement à cheval entre la soprano et le contralto, ainsi que son urgence dramatique.
Autre preuve de la qualité de l’art du chant lyrique chinois actuel, le baryton Carlo Kang, doté d’une voix puissante, bien placée, conduite avec art et sensibilité.
Shalva Mukeria, admirable ténor géorgien, ne fait qu’une bouchée du rôle, intéressant mais somme toute secondaire, du vizir Corasmino. Le timbre est beau, la technique belcantiste – souffle, legato, hauteur d’émission, aigus – s’avère remarquablement accomplie, et son personnage machiavélique – très proche du Iago de Shakespeare – est caractérisé de façon très crédible. Quant à la Fatima de la jeune française Marianne Crebassa, elle met en lumière la couleur mordorée et l’ampleur de son instrument
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Véritable maître d’œuvre de cette résurrection en terres françaises, Enrique Mazzola, en amoureux du chant italien et du bel canto, galvanise ses troupes avec ardeur, capable de déchaîner les tourbillons des finales comme de dérouler lentement la finesse élégiaque des lignes belliniennes les plus raffinées.
Montpellier. Opéra Berlioz-Le Corum, le 13 juillet 2009. Vincenzo Bellini (1801-1835): Zaira. Avec Zaira : Ermonela Jaho ; Wenwei Zhang : Orosmano ; Varduhi Abrahamyan : Nerestano ; Carlo Kang : Lusignano ; Shalva Mukeria : Corasmino ; Marianne Crebassa : Fatima ; Franck Bard : Castiglione. Chœur de la Radio Lettone. Chef de chœur : Sigvards Klava. Orchestre National de Montpellier Languedoc-Roussillon. Enrique Mazzola, direction.
Article mis en ligne par Alexandre Pham. Rédaction: Nicolas Grienenberger
Illustration: Vincenzo Bellini (DR)