Wolfgang Amadeus Mozart
Cosi fan tutte, 1790
Angers Nantes Opéra
Nantes, du 28 mai au 5 juin 2008
Angers, du 11 au 15 juin 2008
Festival d’Aix en Provence
Du 4 au 19 juillet 2008
Vertiges de l’amour
De fin mai à la mi juillet, Cosi fan Tutte de
Mozart (1790), dernier opéra « buffa » de Mozart est à l’affiche d’Angers Nantes Opéra et aussi du Festival d’Aix en Provence dans une nouvelle production dirigée par Christophe Rousset, signée Abbas Kiarostami qui fait suite à celle touchante par sa vérité émotionnelle qui l’a précédée, de Patrice Chéreau.
Wolfgang Amadeus, tout en
succombant aux délices doux amers d’un pur marivaudage, exprime avec
nostalgie la perte d’un monde ou par antinomie, brosse le portrait
d’une humanité qui n’a plus foi dans la sincérité de l’âme, préférant
s’oublier et sombrer dans les vertiges du désir destructeur… Que
savons nous de Cosi, dernier opéra de la trilogie Da
Ponte/Mozart? Longtemps l’oeuvre fut minimisée, trop faible par son
livret, d’une légèreté douteuse: tenue à l’écart des sommets que
forment depuis le XIXème siècle, ses frères aînés, Don Giovanni et Les Noces de Figaro.
Eloge de Cosi
Pourtant ce que nous dit l’opéra aujourd’hui, c’est avec un ton de
vérité voire de cynisme que la seule loi du désir peut vaincre tout
sentiment. Foulant aux pieds les serments d’hier, Amour/Eros veille à
la folie des hommes et des femmes. Qui aime aujourd’hui, se dédira
demain. Tel est le propre de la fourberie humaine: séduire, déguiser,
feindre; toujours, tromper, trahir, abandonner. A l’école des amants,
les deux couples de départ apprennent l’insouciance, l’oubli, ces
petites lâchetés trop véritables et sincères. Lutte permanente entre
les aspirations de l’âme et l’appétit de la chair. La musique quant à
elle délivre un tout autre message: le bonheur fugace qui a déjà
disparu, cette nostalgie longue, étirée qui a l’air de commenter le
cynisme de l’action et regretter que ce qui arrive et se réalise bel et
bien. Voyez par exemple ce trio langoureux qui clôt le premier acte, où
les deux belles napolitaines, Fiordiligi et Dorabella se pâment aux
côtés d’Alfonso: « Soave sia il vento… »,
douce brise du soir sur la baie de Naples qui emporte les adieux de
deux filles éplorées perdant pour la guerre, leurs amants déjà
regrettés… Jamais au théâtre, musique ne fut plus agissante
indépendamment du texte. Tout se joue dans ce vertige. Spasmes et
torpeur languissante de la perte. Or le piège de Don Alfonso montre
combien femme varie: que tout cela est feint, masques de la sensibilité
déplacée, la plus authentiquement féminine. Et voilà que Cosi est targué
de misogynisme. Voyez le titre, sans nuances: « Cosi fan tutte »: ainsi
font-elles toutes. Trahison, déloyauté et infidélité sont dans le
coeur des femmes. Disons que de l’inconstance, les hommes n’ont pas
l’exclusivité.
Ailleurs, si l’on accepte la coïncidence des dates, Cosi
commandé en septembre 1789 par l’Empereur Joseph II, sur le thème d’un
fait divers, serait contemporain des événements révolutionnaires. A 35
ans, Mozart compose l’une de ses oeuvres les plus profondes, les plus
investies: y glisse-t-il son propre adieu à un monde désormais perdu?
L’opéra est créé avec succès au Burgtheater de Vienne le 26 janvier
1790. Cosi fan tutte, ossia « la scuola degli amanti », Cosi fan tutte ou l’école des amants, opera buffa en deux actes K 588. Livret de Lorenzo da Ponte.