mercredi 23 avril 2025

Mozart, les Noces de Figaro (1786)

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La première oeuvre née de la collaboration de Mozart et de Da Ponte, fut créée le 1er mai 1786 au Burgtheater de Vienne. La partition succède de près de deux ans à la première de la pièce de Beaumarchais (Le Mariage de Figaro, créé le 27 avril 1784). Ce que l’on sait moins, c’est qu’après la mort de Mozart, l’opéra fut créé à Paris le 20 mars 1793, salle de la Porte Saint-Martin, dans une adaptation française de… Beaumarchais.

A l’affiche
La fin de l’année 2006 ressemble à une apothéose : Les Noces de Figaro poursuivent leur splendide carrière sur les scènes lyriques. C’est assurément l’un des ouvrages les plus joués pour la saison lyrique 2006 / 2007. L’opéra de Mozart est à l’affiche des opéras d’Angers, Nantes et Caen :

Angers-Nantes opéra
Du 28 novembre au 19 décembre 2006

Opéra théâtre de Caen
Du 19 au 23 décembre

Opéra de Besançon
Du 24 au 28 janvier 2007

Dvd
René Jacobs vient de publier chez Bel Air classiques, en novembre 2006, Les noces de Figaro de Mozart, après avoir enregistré les deux autres ouvrages que le compositeur conçut avec le librettiste Lorenzo Da Ponte, Cosi et Don Giovanni, postérieurs. La production ainsi filmée est celle présentée au Théâtre des Champs-Elysées à Paris, en juin 2004. Lire notre critique du dvd, Les noces de Figaro de Mozart par René Jacobs.

Musique et politique
La musique est politique. Mozart serait-il en cela le précurseur de Beethoven et de Verdi? Plus qu’un intuitif, qui aurait senti et recueilli mais de loin, le souffle de la Révolution française, Mozart, peintre du coeur, est aussi, un formidable portraitiste de la pensée politique de son temps. Homme libre, homme auto affranchi, il dispose de son destin hors des contraintes des conventions sociales. Il le montre lorsqu’il démissionne de son poste auprès de Coloredo ; il l’écrit surtout sans réserve : « …; et valet ou comte, du moment qu’il m’insulte, c’est une canaille« , écrit-il en 1781. Peu lui importent les avantages abusifs, le rang acquis par la naissance ; ce qui l’attache et l’émeut, c’est la noblesse d’âme, le coeur loyal et droit. Compositeur engagée certainement. Mais aussi, homme et musicien du coeur. L’un n’empêche pas l’autre.

Contrairement à ce que l’on dit, le génie de Mozart, s’il est inné et en apparence, aussi déconcertant que naturel, n’a pas empêché le compositeur de travailler, toujours, constamment, sans relâche. Aucune de ses oeuvres ne fut conçue avec légèreté mais au contraire comme l’aboutissement d’une réflexion et d’une analyse approfondie des effets et des procédés utilisés. En cela, les affirmations de Wagner sont infondées : Mozart n’a jamais sacrifié la qualité de ses livrets. Il s’est montré de plus en plus intraitable dans l’écriture des textes. Exigeant un peu plus, chaque année, de ses librettistes. Musicien « pur »: quelle incompréhension ! Autant musicien que dramaturge ! C’est d’ailleurs à l’aune de cette exigence exemplaire que l’on réévalue aujourd’hui, avec raison, la perfection de la Clemenza di Tito, son dernier seria, écrit au même moment que le Requiem et que la Flûte (août/septembre 1791).

La réussite des Noces, c’est, tout en respectant l’interdit impérial qui autorisait de lire la pièce de Beaumarchais mais non de la représenter, sa réalisation cohérente sur la scène lyrique, qui en dépit de la censure, n’a en rien édulcoré la portée séditieuse du texte. Et même, au final, la comparaison des deux textes, entre la pièce et le livret de l’opéra, entre le Mariage et Les noces, montre la radicalité voire l’insolence permanente des vers chantés par les interprètes de Mozart. La dernière entrevue de Mozart et de son employeur, l’infâme Coloredo, a été très violente. Démissionaire en mai 1781, Mozart se voit jeté à la rue avec violence par le comte Arco, chef des cuisines de l’Archevèque. Coloredo qui voulait avoir le dernier mot, chasse Mozart à coup de pieds, par traîtrise, comme le dernier des serviteurs. Comment ne pas considérer les mots de Figaro à l’endroit du comte, comme la revanche du musicien contre les nobles, scélérats et imposteurs?

La cavatine de Figaro (Acte I, scène3 : » Se vuol ballare, signor contino ») est un menuet parodique : le menuet, danse de la noblesse, est ici étranglé par la langue musicale de Mozart, réorchestré contre les convenances. Au final, la conjonction des mots de Beaumarchais et de la musique de Mozart, égale les pointes de Beaumarchais, même s’il a fallu couper dans le texte de la pièce : la scène du procès et les déclarations féministes de Marcelline, surtout le monologue de Figaro à l’acte V.

L’opéra des femmes
Mais, davantage qu’un registre acide, Mozart choisit la vérité du coeur, celle des femmes pour dénoncer la barbarie de l’ordre social de l’Ancien Régime : la Comtesse demande à ses domestiques de punir son époux. C’est par la voix des femmes que la vérité et le propos politique de l’oeuvre se réalisent. La finesse de Mozart est là. Contre l’ordre phalocratique, contre le système machiste : Figaro lui-même perd pied face à l’intelligence de Suzanne. Mozart a choisi délibéremment d’être du côté de ses héroïnes. Qu’imaginer d’autre d’ailleurs, lorsque l’on sait les sentiments qu’éprouvait le jeune compositeur pour Nancy Storage, la délicieuse soprano anglaise qui créa le rôle de Suzanne?
A la finesse du propos politique, correspond tout autant, le portrait des sensibilités, surtout féminines qui dans dans Les Noces, est plus ouvragé qu’ailleurs. La Comtesse, Suzanne, Barberine (celle-ci, ne serait-elle pas la victime de l’incontinent Comte? D’où son air si désespéré au début de l’Acte IV…), et Marcelline décrivent chacune, non seulement une indivudualité propre à leur âge, à leur expérience de la vie, mais aussi un rapport particulier au Comte qui renvoie à la peinture sociale de l’opéra. En définitive, pour Mozart, la satire sociale passe par la voix des femmes. Les Noces, opéra des femmes, certes oui!

Illustrations
Madame Vigée-Lebrun, autoportrait et deux portraits de jeunes femmes (DR)
A la Une du dossier : Watteau, Gilles (Paris, musée du Louvre)

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