A 14 ans, Mozart formé par son père Léopold qui traverse l’Europe pour faire valoir les dons exceptionnels de son fils, montre de jour en jour, comblant les attentes de son cher papa, de réelles dispositions pour la composition. Le voyage en Italie se présente comme des plus inspirants pour le jeune créateur. Le départ est fixé à partir du 13 décembre 1769. Ils resteront dans la pays de Monteverdi et de Vivaldi, jusqu’au mois de mars 1771.
En choisissant l’Italie, les Mozart ambitionne d’assimiler le genre qui pourrait apporter une gloire plus grande encore au fils virtuose, l’opéra.
Rovereto, Vérone, Mantoue, Crémone. Enfin se présente Milan, capitale de la Lombardie, rejointe le 23 janvier 1770.
Là, le gouverneur général, Comte Karl von Firmian prend les Mozart sous sa protection et favorise plusiseurs académies où Mozart est invité à démontrer ses talents d’interprète, mais surtout ses aptitudes à la composition lyrique. Trois académies se poursuivent ainsi, permettant à Wolfgang d’écrire sur le thème des passions humaines. D’autant plus facilement que pour se faire et comme base de son inspiration, le Gouverneur lui a remis une édition complète des œuvres du poète adulé alors, Métastase, l’écrivain dont tout l’opéra convenable découle, en particulier le genre seria.
Les concerts se succèdent attirant toujours plus de notables. Le dernier, qui a lieu le 12 mars 1770, plus de 140 nobles applaudissent les talents du jeunes dramaturge.
Le jeune compositeur relève le défi : le lendemain, il reçoit la commande de son premier seria !
Il signe son engagement à fournir la musique sur un livret qu’il ne connaîtra qu’en juillet, et dont les récitatifs seront impérativement bouclés le 1er novembre. De sorte que le temps restant lui permettra d’écrire les airs avec les chanteurs sur place, afin que l’opéra nouveau soit représenté pour le Carnaval de Milan, soit, tradition oblige, le 26 décembre 1770.
Il en sera de même pour son second seria, Lucio Silla.
En plus de son salaire (100 gigliati), le jeune auteur sera logé et nourri le temps de la rédaction, des répétitions, des derniers aménagements avant la création.
Le livret est un texte du turinois Vittorio Cigna-Santi qui l’avait élaboré pour une musique de Gasparini, dans un ouvrage présenté à Turin en 1767.
La source en est le Mitrhidate de Racine (1673) qui évoque la figure du Roi du Pont, Mithridate Eupator (135-65 avant J.-C.). Si la tragédie française comporte loi du genre oblige cinq actes, le livret italien n’en a plus que trois. Au total, 22 airs avec en plus, un duo et chœur final. Et opera seria oblige, la tragédie sombre de Racine se change en machine à bons sentiments : Pharnace, allié des romains, pris de remords, se retournent contre ces-derniers. Il ne sera pas traître à sa patrie.
Mithridate malgré ses conventions et ses artifices démontrent le génie d’un adolescent salzbourgeois, italien depuis quelques mois dont l’inspiration et la musicalité sûre ont réussi un tour de force.
Il montre qu’à 14 ans, sa maîtrise de l’opéra italien est plus que correcte, elle est totale. C’est l’antichambre aux œuvres de la première maturité. L’italien est pour lui la langue du coeur et du sentiment. Ce qu’il démontrera dans les opéra à venir, Les Noces, Cosi, Don Giovanni…
Caprices de chanteurs
Mozart est à Bologne pour composer son opéra. Hasard heureux, il peut suivre un mois durant, la lumineuse formation aurpès du Padre Martini. De fait, les récitaitfs écrits en septembre – surtout ceux accompagnatos-, recueillent les fruits de cet apprentissage avec l’un des compositeurs les plus essentiels du XVIII ème siècle.
Tout est achevé en octobre et comme résultat d’un effort d’écriture supérieur, il est même accepté comme membre de l’Académie Philharmonique de Bologne. Honneur insigne, pour un étranger, qui plus est, de son âge.
Le 1er novembre à Milan, Mozart rencontre les chanteurs.
Il peut enfin écrire les airs. Le style milanais pour l’opéra seria privilégie l’orchestre étoffé, la fusion étroite de l’action et des récitatifs, en particulier les récitatifs accompagnés qui tout en épousant parfaitement l’action, prépare mieux les enchaînements avec les airs proprement dits.
L’heure est aux caprices du chanteur. Chacun vient avec son air à succès qui a fait son triomphe et qu’il adapte pour chaque prise de rôle, cet air qui lui est personnel, appelé, « aria di baule » est en quelque sorte sa carte de visite . Au compositeur du nouvel opéra de l’intégrer dans l’air nouveau.
Le jeune compositeur veut plaire au public et relever le défi de cette première commande d‘importance. Pour lui, la perspective d’être reconnu comme compositeur d’opéras, et de surcroît de serias, genre le plus noble, est des plus prometteuse. Il s’accomode bon gré mal gré des exigences de ses chanteurs… lesquels se montrent particulièrement retors et capricieux. Le 12 décembre, première répétitions des chanteurs. Ces derniers sont plutôt satisfait des airs du jeune prodige. Pour Mozart, c’est une grosse machine, en témoigne l’orchestre qui comptera au final pas moins de 56 musiciens.
Dès la première, le 26 décembre 1770, l’opéra remporte un triomphe. Heureux Mozart, adulé, aimé, admiré. Son œuvre sera portée à l’affiche près de 20 fois, et toujours salle comble. Pour une entrée dans le genre du grand opéra, c’est une apothéose. Voilà que déjà très affirmé, Mozart, dramaturge surprend par sa maturité et sa compréhension des enjeux esthétiques du genre. Il poursuivra toute sa vie, sa quête d’un seria renouvelé, redéfini avec les ouvrages à venir, Idoménée (1781) puis surtout, le grand oeuvre, La Clemenza di Tito (1791).
Illustrations
Jacques-Louis David, Mars désarmé par Vénus
Ingres, les ambassadeurs d’Agamemnon
Mozart, Mitridate
Les talens lyriques, direction : Christophe Rousset
(coffret Decca).