jeudi 24 avril 2025

Najda Michael. »Métamorphoses d’une soprano » Arte, dimanche 28 juin 2009 à 19h

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Najda Michael
soprano

Métamorphose d’une soprano

Portrait. Réalisation : Daniel Finkernagel et Alexander Lück
Coproduction : ARTE, RBB (2008, 46mn)

Arte

Dimanche 28 juin 2009 à 19h

Corps de diva

La Berlinoise d’adoption (elle est née à Leipzig) s’est taillée déjà une belle réputation de chanteuse actrice (grâce à un physique engageant qui lui permit aussi d’être mannequin), repérée depuis son incarnation de Lady Macbeth de Chostakovitch (SemperOper de Dresde, octobre 2006): l’ancienne nageuse, a gardé une endurance d’athlète qui s’avère payante sur la scène lyrique. Celle qui a quitté l’Est avant la chute du mur de Berlin, a conquis ses galons de cantatrice à la force du poignet, avec une ténacité dont son visage sculpté dévoile la force du tempérament, la beauté froide mais présente.

Portée par une énergie peu commune, la soprano aime dans ce documentaire dévoiler cette force souterraine irrépressible qui la conduit dans les choix de répertoire: le film suit les facettes de son spectacle musical intitulée « Marie-Stuart, un voyage musical mis en scène », où la diva allemande, physique glamour et chant puissant s’offre devant la caméra une série de métamorphoses: succession de personnages où l’interprète se glisse dans des peaux diverses, des masques successifs, des états variés dont le vertige frôle parfois la folie schizophrène. Marie Stuart est cette femme multiple, à la fois Reine blessée et martyrisée, mais aussi femme abattue, digne, déterminée et aussi détruite… « La Michael » exprime les visages d’un être riche et profond, l’ambitieuse, la séductrice, la rivale punie d’Elisabeth. C’est un kaléidoscope de personnalités variées qui reprend le thème de l’Orlando de Virginia Woolf où le personnage principal revêt des identités successives: enfant, jeune homme, femme puis homme enfin « essence » humaine (à la façon des « neter » de la mythologie égyptienne).
Voyez tout d’abord cet air des adieux (encore triomphal et héroïque) de la Reine (signé Wagner), puis sur le même thème, la mélodie plus déchirante des « Adieux à la France » de Schumann. Un même personnage, une même situation mais deux climats déjà contraires: Najda Michael est à son aise dans cette variation des identités permanente; elle aime quitter perruque et robe, changer de silhouette: « changer de personnages, de peau, de psyché, d’esprit, est au centre de la vie d’un artiste« , dit-elle. Pour s’en convaincre, dès le début du documentaire, ponctué de nombreux exemples musicaux et lyriques, la chanteuse se promène dans les rues de Berlin, en combinaison industrielle, crâne nu: elle pourrait sortir d’une prison, rejoindre un groupe de travailleurs forcés… Ainsi a-t-elle paru sur la scène du Royal Opera House de Covent Garden à Londres début 2009 dans La Ville Morte de Korngold où elle incarne Marie/Marietta. C’est comme ça. la diva aime surprendre, voire choquer.
Au fil des images, la récitaliste poursuit son périple musical chambriste qui nous mène de Wagner et Schumann (dont plusieurs autres lieder d’après Mignon sont abordés), jusqu’à l’admirable chant halluciné et solitaire de Wolf (incantatoire « Kennst du das land« ) et aussi l’évocation (au fond d’une piscine) de l’Ophélie de Richard Strauss… Enfin après nous avoir expliqué que ce programme chanté a voce sola (accompagné par le piano sans que l’on puisse connaître le nom de son accompagnatrice), s’achève sur la rêverie enchantée du Chant d’un compagnon errant de Mahler: la fatalité d’une impuissance solitaire et désespérée sait puiser une nouvelle force et un espoir dans la contemplation de la miraculeuse nature.

Mémorable Salomé

En complément, le film souligne les rôles qui l’ont imposé sur la scène théâtrale: un cadre expressif où elle joue de son corps qu’elle expose sans sourciller, en particulier dans le rôle de Salomé de Strauss: « je ne pense pas qu’elle soit précisément érotique. C’est une jeune fille vierge, détruite par l’image dominatrice de sa mère, et qui découvre son corps au seuil de la féminité. Sa mère qui a tué son père avec Hérode, lui montre la violence opérante de la perversité: Salomé ne connaît que cela: elle use et abuse par mimétisme des mêmes armes que celles de sa mère: une vie orientée contre les hommes, pour les séduire et les manipuler », déclare la diva straussienne. La soprano au corps idéal pour incarner l’adolescente faussement ingénue a chanté le rôle à Berlin sous la direction du metteur en scène Harry Kupfer (une large partie de la danse des 7 voiles nous est ainsi dévoilée. Scala de Milan, 2007), mais aussi sous la conduite du metteur en scène David McVicar (février 2008, Londres, Covent Garden): deux productions qui ont fini d’affirmer son talent d’actrice, sa présence d’une sensualité prenante.

Sur le plan du chant, la soprano joue surtout sur l’expressivité parfois la laideur du timbre, un vibrato souvent systématique aux crescendos téléphonés qui passent mieux assurément chez Strauss que dans l’art du lied où plus de nuances aurait été appréciées.

Qu’importe ces réserves: Najda Michael déploie aujourd’hui une vraie nature théâtrale qui passe autant par la puissance vocale (très vibrée comme nous l’avons dit) que par la présence du corps (ce dont elle joue évidemment sans réserve).

Le documentaire permet d’écouter la diva dans d’autres rôles comme cette Médée produite à La Monnaie en 2008 dans la mise en scène du polonais Krsyztof Warlikowski.

Nadja Michael, les métamorphoses d’une soprano. Pour Nadja Michael, « il n’y a de vie que dans une incessante métamorphose ». Un credo qui vaut autant pour sa vie privée que professionnelle. Cantatrice, actrice et artiste aux mille visages, elle a une préférence pour les femmes de caractère qui ont la volonté et la force de changer le monde mais aussi de se transformer en permanence. Aujourd’hui, les critiques musicaux et les plus grands programmateurs se l’arrachent. Le documentaire suit la cantatrice berlinoise et dresse le portrait musical d’une artiste à travers ses rôles. Nadja Michael a elle-même composé le livret de cette soirée intitulée Orlando misterioso, un voyage musical mis en scène.

La rédaction de classiquenews.com a récemment souligné la remarquable performance de la soprano Nadja Michael, jeu halluciné, silhouette d’adolescente prépubère et troublante, à la fois provocante et angélique, d’une candeur perverse, dans Salomé de Strauss (Scala de Milan, 2007, sous la direction de Daniel Harding)

Visiter le site de Najda Michael

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