2007 marque les 400 ans de la création à Mantoue du premier opéra de l’histoire, l’Orfeo de Claudio Monteverdi. Deutsche Grammophon fait paraître l’enregistrement légendaire de la partition qu’en donna en 1978 dans la mise en scène de Jean-Pierre Ponnelle, Nikolaus Harnoncourt. Portrait du chef baroqueux.
Un aristocrate devenu musicien
Nikolaus Harnoncourt descend par sa mère de l’Archiduc d’Autriche Johann de Styrie dont elle est la petite-fille. Né à Graz, le jeune Nikolaus étudie la musique à Vienne. En 1953, le musicien passionné par la musique baroque, alors violoncelliste au sein du Philharmonique de Vienne, mais soucieux d’une nouvelle exigence sur la sonorité et le sens profond des oeuvres préclassiques, fonde avec son épouse Alice née Hoffelner, le Concentus Musicus : un ensemble d’instrumentistes sensibilisés et formés à la rhétorique et à la dramaturgie spécifique du répertoire abordé. A partir des années 1970, avec l’engouement que suscite auprès du public le mouvement baroqueux, dont Harnoncourt devient une figure militante, le Concentus Musicus fait figure d’exemple, dans le défrichement des oeuvres méconnues, et la recherche vers une approche plus authentique des partitions.
Recherche et interprétation, curiosité et expérimentation guident une démarche révolutionnaire qui réinvente un répertoire et une esthétique de l’approche instrumentale. Avec le Concentus Musicus, Nikolaus Harnoncourt a laissé des interprétations fondatrices du mouvement musical qu’il a contribué à développer dans Bach dont il interprète les Concertos Brandebourgeois, en 1964. Il poursuit ensuite avec l’intégrale des Cantates, dirigées dès 1968. Le projet s’étoffe et débouche bientôt avec la complicité de Gustav Leonhardt, sur un cycle discographique de l’intégrale des cantates, jouées sur instruments d’époque, avec des chanteurs uniquement masculins. Le chantier s’est poursuivi jusqu’en 1990 et représente la première intégrale du genre.
L’interprète révolutionnaire de Bach, Monteverdi, BeethovenL’oeuvre novatrice de Nikolaus Harnoncourt concerne aussi l’opéra qui reste au coeur de sa réflexion sur la dramaturgie et la poétique baroque : en particulier Monteverdi, un auteur dont il a su exprimer le premier, la modernité visionnaire sur le théâtre des passions humaines : ainsi ses lectures de l’Orfeo (1968) et de l’incoronazione di Poppea (1974).
Comme chef d’orchestre, Harnoncourt a dirigé de nombreuses autres phalanges. Sa lecture des partitions a influencé aussi la compréhension des répertoires non baroques, y compris la musique classique et romantique.
A ce titre, son approche des Symphonies de Beethoven, avec le Chamber Orchestra of Europe, reste tout autant décisive.
Musicologue, penseur, instrumentiste et chef d’orchestre de génie, Nikolaus Harnoncourt a écrit plusieurs recueils et traités fondamentaux sur sa démarche et le sens de son travail. Il s’agit en particulier de retrouver la vitalité première des oeuvres anciennes non pas dans le sens d’une reconstitution décorative mais dans l’esprit d’une résurrection vivante où la sensibilité propre aux interprètes des XX et XXI ème siècles fait oeuvre de recréation. A lire en particulier,
« Le dialogue musical, Monteverdi, Bach et Mozart« , Éditions Gallimard, 1985.
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Nikolaus Harnoncourt (DR)