dimanche 20 avril 2025

Offenbach : Le Roi Carotte, 1872

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offenbach-jacques-la-belel-helene-classiquenews-2015DOSSIER. Le Roi Carotte, opéra féerique de Jacques Offenbach. En intitulant son ouvrage féerique et fantastique appelé à un immense succès en partie grâce à sa diversité formelle flamboyante (et coûteuse) : Le Roi Carotte, Offenbach souligne l’œuvre de la magie, celle de la sorcière, ennemi juré du héros Fridolin. Ce Roi légume a bien de l’aplomb : il incarne même la figure du despote le plus haïssable : le portrait satirique de tous les tyrans terrestres ? … L’ouvrage créé au théâtre de la Gaîté le 15 janvier 1872 sous son titre d’opéra bouffe féerie ou d’opérette féerie est bien emblématique de l’engouement par le public parisien pour le rêve et le loufoque délirant, et dans le parcours d’Offenbach, de sa verve géniale dans le mélange des genres. Totalisant malgré le coût de sa production (6h de spectacle quand même), près de 195 représentations, c’est un triomphe du boulevard. Pour sa première coopération avec Offenbach, Sardou tenait absolument à représenter (en deux tableaux : les ruines actuelles / la cité antique florissante) la Pompéi fastueuse d’avant l’irruption du Vésuve. C’était sacrifier au goût spécifique des reconstitutions et du spectaculaire.

Le règne de la féerie

La composition de la musique et la collaboration avec Sardou sont interrompues par la guerre de 1870 : Offenbach se réfugie avec sa famille à Etretat, et seul il part à Bordeaux, Vienne et Milan. Mars 1871 : les deux compères reprennent la trame d’une féerie marquée de plus en plus par le signe du rythme, de la fantaisie et de la comédie délirante mais poétique. D’emblée les articles de presse qui annoncent la production comme un événement de l’année 1872, souligne le travail des décors et le souci du spectaculaire fantaisiste.
A la création, toute la presse loue l’équilibre et la finesse règnant sur 6h d’éblouissement visuel. Le public applaudit surtout les tableaux pompéiens, la vivacité des Insectes, tableaux miraculeux en poésie et onirisme (préfigurant L’Enfant et les sortilèges de Ravel), l’enchanteur Quiribibi (et ses « trucs » intégrés dans l’action, c’est à dire ses tours authentiques de magie), le duo du prince et de la princesse Cunégonde, la kermesse et surtout sa farandole, le pays des singes… sans omettre le quatuor des ruines de Pompei (digne de Donizetti), la rondes colporteurs, le final des armures…

offenbachRoi de la finesse et de la subtilité (ce qu’on oublie souvent dans les productions actuelles), Offenbach mêle mélancolie ou légèreté (comme Mozart : et d’ailleurs ne l’appelait-on pas le petit Mozart des boulevards): chansons populaire à succès, duos enivrés, ensembles fiévreux, grand opéra et comédie, Offenbach réussit tout en mélangeant ses composantes avec une habileté stupéfiante. C’est le vrai pari des spectacles modernes que d’exprimer cette caractéristique importante de son style : variété, raffinement, profondeur. Car il n’est pas facile à travers cette féerie qui ne cesse de multiplier effets et tableaux oniriques de maintenir la malice, la facétie, la vraisemblance sans tomber dans la caricature. Tous ses personnages même esquissés rapidement dans une succession d’épisodes féeriques réclame de la finesse et de la profondeur : comment exprimer le profil loyal de la princesse Rosée du soir, celui de Robin-Luron, le génie protecteur de Fridolin, etc… Un défi pour les interprètes et les metteurs en scène. Jusqu’à l’acte II, l’action se passe autour ou dans la cour d’un château ; puis à partir de l’intervention du mage Quiribibi, les épisodes se diversifient de façon spectaculaire : les deux tableaux de Pompei (surtout la reconstitution de la cité romaine florissante, véritable point d’orgue de l’acte II), puis la forêt sombre, le défilé des insectes, l’île des singes, le désert, enfin la révolte finale et le triomphe de Fridolin, héros éprouvé mais récompensé.

Le Roi Carotte, synopsis

Acte Ier

La brasserie, premier tableau. Accompagné de ses ministres incompétents, le prince Fridolin visite incognito son royaume. Le prince frivole s’apprête à épouser la princesse Cunégonde, à qui est promise une belle dot d’autant bienvenue qu’il est ruiné. Dans une brasserie où des étudiants fêtent leurs pécules, Robin-Luron, un génie, paraît sous l’aspect d’un étudiant. Il offre à Fridolin une somme importante d’argent pour les vieilles armures conservées au château. Fridolin accepte. Robin-Luron annonce l’arrivée de sa promise déguisée incognito, sous les traits d’une bonne amie. Devant la description que Fridolin fait de lui-même, la princesse Cunégonde accepte de l’épouser. Pour enterrer sa vie de garçon, Fridolin invite les étudiants à une petite sauterie dans la salle des armures du vieux-palais royal.

Rosée-du-Soir. Deuxième tableau. Dans le grenier d’une tour du vieux palais, la princesse Rosée-du-Soir rêve de Fridolin. La sorcière Coloquinte la retient prisonnière. grâce à un petit peloton de soie, le génie Robin-Luron lui permet d’échapper à sa captivité. Mais la sorcière Coloquinte les surprend : le geôlière pactise avec le génie : elle détrônera Fridolin, prince « paresseux, léger, libertin ».

Les étudiants accompagnés de Fridolin, Robin-Luron, Truck et Pipertrunck entrent dans la salle des armures et, alors qu’ils boivent moquant les armures, celles-ci s’animent par magie et insultent Fridolin qui s’enfuit immédiatement avec ses invités.
Les conjurations de Coloquinte. Pendant ce temps, Coloquinte qui a retrouvé sa baguette de magicienne entend se venger de Fridolin (le fils de celui qui l’avait vaincue) : elle enchante le jardin potager royal et donne vie aux carottes, radis, betteraves, navets… C’est l’armée des légumes.

Devant la Cour réunie en grande pompe, Cunégonde attend son prince ; lequel paraît non sans retard : il s’apprête à lui proposer une valse quand des invités surprise se font entendre : c’est le Roi Carotte et sa suit dont la sorcière Coloquinte. Envoûtés par Coloquinte, les courtisans acclament le Roi carotte qui est reconnu comme leur nouveau souverain : Fridolin dont la tête est mise à prix, doit fuir, accompagné par les armures vivantes, Robin-Luron et de Truck.

Acte II
La Farandole, premier tableau. Dans la cour d’une hôtellerie, Fridolin, Robin-Luron et Truck se cachent, aidés de la princesse Rosée-du-Soir (déguisée en page) : par amour, elle vient se mettre aux ordres de Fridolin. Tous fuient lorsque paraissent les ministres Koffre, Pipertrunck, Trac et des soldats qui viennent arrêter Fridolin. Robin-Luron les attaquent en suscitant une farandole enragée : soldats et ministres s’échappent vaincus, mais Pipertrunck se rallie à Fridolin.

Quiribibi, second tableau.
Robin-Luron emmène Fridolin et ses alliés chez l’enchanteur Quiribibi. Ce dernier les invite à recourir au « talisman des talismans » : « l’Anneau de Salomon » qui se trouve à Pompéi, chez un soldat romain, « qui s’en était emparé à la prise de Jérusalem » et qui eut « la fatale idée de s’arrêter à Pompéi, le jour même de l’éruption ». Pour rejoindre Pompéi quelques heures avant l’irruption du Vésuve, Quiribibi utilise une petite lampe antique et magique.

Les ruines de Pompeï, troisième tableau.
A Pompei, les ruines leur inspirent le respect ; puis Robin-Luron sollicite le génie de la lampe antique pour faire apparaître Pompei à l’époque de sa splendeur romaine. Immédiatement, par un effet spectaculaire, la scène ressuscite le bouillonnement urbain de la cité antique romaine. Les visiteurs « modernes » s’emparent de l’anneau de fer, Fridolin invoque le « Djinn de Salomon » pour échapper à la colère des pompéiens, laquelle s’estompe bientôt à mesure que gronde le Vésuve….

Acte III
L’anneau de Salomon, premier tableau. Le Roi Carotte fait régner la terreur dans son château : Robin-Luron, Rosée-du-Soir, Truck et Pipertrunck déguisés en colporteurs, lui présentent une étoffe qui n’est « visible que pour les honnêtes gens ». Cunégonde avertit le Roi Carotte du retour dans la place de Fridolin qui grâce à son anneau magique est prêt à reprendre la couronne : le Roi Carotte paniqué s’enfuit avec sa suite. Déguisé en oiseau, Fridolin peut admirer Cunéguonde qui s’empare de l’anneau, le donne à Coloquinte. La sorcière aurait envoûté le prince trop naïf s’il n’était son bon génie Robin-Luron pour le défendre.

Le trèfle à quatre feuilles, deuxième tableau.
Dans une forêt sombre, Rosée-du-Soir grâce à Robin-Luronpeut formuler 4 vœux : elle rejoint ainsi Fridolin chez les fourmis (troisième tableau dit des insectes) : dans la fourmilière où ils étaient maintenus captifs, Fridolin et Truck sont délivrés grâce à l’intervention de Robin-Luron et de Rosée-du-Soir. Pour la fête du printemps, tous les insectes défilent. Le défilé s’achève, les abeilles capturent Coloquinte. Nos héros accompagnant Fridolin le vainqueur s’échappent alors, grâce au char de la reine des abeilles qui les emmène jusqu’à l’île des Singes.

Acte IV
Les Singes, premier tableau. Ayant utilisé l’une des feuilles de son trèfle magique, Rosée-du-Soir sauve Fridolin qui lui déclare sa flamme alors que Truck au milieu des singes tente de s’en préserver. Mais Fridolin doit capturer le roi des singes pour l’utiliser contre le Roi Carotte. Le Roi des singes est capturé dans une malle.

Le Désert, deuxième tableau. Mais la sorcière Coloquinte transforme le paysage en désert. Fridolin et Rosée-du-Soir, assoiffés, sont pétrifiés par la sorcière; heureusement pas rancunier, le Roi des singes les rend à la vie. Ils partent pour Krokodyne.

Une salle du Palais de Carotte, troisième tableau. Dans le palais du Roi Carotte, c’est la débandade. Les ministres dénoncent le Roi au peuple de plus en plus mécontent.

La révolte, quatrième tableau. Fridolin, Robin-Luron, Rosée-du-Soir et Truck déguisés en musiciens ambulants, observent la révolte du peuple, écrasé par les impôts dans un pays en déroute. Police, ministres et armée se joignent au peuple qui acclame à présent Fridolin, accueilli comme un sauveur. Le Roi Carotte est vaincu : il est terrassé par Robin-Luron et reprend sa forme de légume carotte. Dernier tableau : te triomphe de Fridolin. Sous les acclamations du peuple, Fridolin demande la main de Rosée-du-Soir et renvoie la princesse Cunégonde chez son père.

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