mercredi 23 avril 2025

Ombres au paradis. Documentaire. Arte. Lundi 19 mai 2008 à 22h30

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Ombres au Paradis
Les artistes et musiciens allemands aux USA


Arte, Musica
Lundi 19 mai 2008 à 22h30

Documentaire. Réalisation: Peter Rosen (2007, 52mn).

Le sujet de ce documentaire est passionnant. Los Angeles et New York deviennent dans le courant des années 1930, qui voit l’Europe sombrer dans la barbarie nazie, deux foyers artistiques et intellectuels particulièrement actifs, réunissant l’élite artistique du Vieux Continent. Compositeurs, architectes (qui préfèrent Chicago), écrivains quittent leur pays corrompu par l’esprit hitlérien et découvrent le « rêve américain ». La Californie et son climat méditerranéen en enchantent plus d’un.

L’identité des expatriés est impressionnante: Fritz Lang, Stravinsky, Schoenberg, Brecht, les Frères Mann, Thomas et Heinrich, le chef d’orchestre Fritz Busch ou Bruno Walter… et d’autres esprits remarquables moins connus mais tout aussi stupéfiants: les compositeurs Hans Eiler, parmi les plus engagé aux côtés de Brecht, mais aussi Korngold, auteur reconnu pour son opéra La Ville Morte et bientôt, compositeur pour le cinéma chez Columbia, la MGM;… les écrivains, Döblin, Baum, Adorno, Torberg, Marcuse, Werfel, … surtout Leon Feuchtwanger qui avec sa femme Martha reçoit les Mann dans sa maison californienne à Los Angeles, avec vue sur le Pacific: il est l’un des premiers intellectuels allemands à avoir dénoncé la prise du pouvoir par Hitler. Collectionneur de livres (sa demeure est une bibliothèque), il insuffle à la colonie des déracinés, l’esprit de résistance mais n’empêche pas d’être submergé par la nostalgie.

L’éloignement de la patrie devient rapidement la source des discordes. C’est que, « ombres au Paradis », les artistes allemands ont du vague à l’âme. Hypersensibles, impuissants, démunis, tels des albatros à qui l’on aurait coupé les ailes, coupables vis à vis de ceux qui sont restés ou qui ont péri dans le camps de la honte, de nombreux expatriés souffrent dans leur chair. Brecht incarne ce sentiment de désespoir: être protégé et pourtant destructuré, inquiet. N’être bien nulle part. L’une des brouilles les plus retentissantes reste celle qui éclate entre deux géants, Thomas Mann et Arnold Schoenberg. L’écrivain qui vient d’écrire son Doktor Faustus et y peint le portrait d’un compositeur siphyllitique qui s’adonne au… dodécaphonisme, n’avait pas prévenu Schoenberg : celui-ci pensant qu’il s’agit d’un portrait déguisé, à son insu, s’en indigne…

Le propos du documentaire évite les redites ou la langue de bois. Il nuance même la position américaine vis à vis des émigrés, en particulier au moment de la chasse aux sorcières menée à Hollywood par McCarty. La vague anti communiste fait rage, et les contestataires critiques tels Brecht ou Hanns Fisler qui est expulsé sans ménagement (parce que son frère était un dirigeant communiste) en font les frais. Au demeurant, même les quotas fixant le nombre d’immigrés aux USA n’est pas atteint. L’Amérique aurait-elle été moins accueillante qu’en apparence? En septembre 1947, Brecht est sommé de s’expliquer devant un tribunal: il partira le lendemain. Même Thomas Mann ne peut s’empêcher de manifester son « dégoût » face à la répression intellectuelle qui raidit l’Amérique à la fin des années 1940. Au final, certains exilés auront connu le déracinement sans fin: fuyant la barbarie nazie, puis expulsés à nouveau pour délit de pensée séditieuse… N’être bien nulle part.

Créédits photographiques: Arnold Schoenberg (DR), Thomas Mann (DR)

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