Malentendu, quiproquos, contretemps… Luisa Miller puise sa force dramatique dans son action sombre et amère ; la tragédie aurait pu sembler évitable, mais la fatalité œuvre sans relâche pour détruire l’amour… ici le jeune couple Luisa / Rodolfo qui est écrasé par le poids des traditions et de leurs antécédents familiaux.
A travers le conflit générationnel, Luisa Miller dépeint également la tragédie de toute une époque, écartelée entre un féodalisme hors d’âge, et les rêves de liberté d’une jeunesse animée par les idéaux des Lumières, ceux-là même qui inspirèrent à Friedrich von Schiller la pièce originale.
Tragédie noire d’après Schiller
Fin lecteur et admirateur de l’écrivain germanique, Giuseppe Verdi reprend le flambeau soixante-dix ans plus tard, avec la logique implacable qu’on lui connaît : en 1849, le compositeur s’ingénie à peindre l’échec de cette révolution sacrifiée sur l’autel du conservatisme, l’émancipation ratée des enfants, à jamais prisonniers des choix de leurs parents. Après Rigoletto et bientôt La Traviata, Verdi écrit plusieurs pages éblouissantes et saisissantes, gorgées de lyrisme et de désespoir, animant de la même fièvre les scènes de confrontation comme celles d’impuissance et de prostration.
Pour l’Opéra Grand Avignon, le directeur général Frédéric Roels met en scène ce drame noir et bouleversant… un opéra trop peu connu, dont l’oppressant huis clos révèle sa fascinante horreur entre grâce, tristesse, regrets. Nouvelle production incontournable.
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Opéra Grand Avignon / Avignon
Vendredi 17 mai 2024 à 20h
Dimanche 19 mai 2024 à 14h30
Durée : 2h30
Giuseppe VERDI : Luisa Miller
Direction musicale : Franck Chastrusse Colombier
Mise en scène : Frédéric Roels
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Place de l’Horloge – 84000 Avignon
04 90 14 26 00
Prologue
45 minutes avant chaque représentation, l’Opéra Grand Avignon et l’Orchestre national Avignon-Provence proposent un éclairage sur le spectacle / concert auquel vous allez assister.
Entrée libre sur présentation du billet du spectacle.
Salle des préludes – Opéra
Conférence
Samedi 11 mai 2024 à 14h30 : Autour de Luisa Miller avec Marc Andrieu
Entrée libre Grand Foyer / Salle des préludes – Opéra
Distribution
Opéra en 3 actes – livret de Salvatore Cammarano.
Créé le 8 décembre 1849 au Théâtre San Carlo de Naples.
Chanté en italien et surtitré en français. Éditions Casa Ricordi
Direction musicale : Franck Chastrusse Colombier
Mise en scène : Frédéric Roels
Scénographie et costumes, Lionel Lesire
Lumières, Laurent Castaingt
Assistante à la mise en scène, Nathalie Gendrot
Études musicales, David Zobel
Luisa, Axelle Fanyo
Miller, Gangsoon Kim
Rodolfo, Sehoon Moon
Wurm, Mischa Scheliomanski
Il Conte Walter, Wojtek Smilek
La Duchessa Federica, Sarah Laulan
Laura, Cécile Lastchenko
Chœur de l’Opéra Grand Avignon
Orchestre National Avignon-Provence
En coproduction avec le Teatro sociale di Como AsLiCo, l’Opéra de Tours, Le Teatr Wielki-Opéra de Poznan et le Slaska Opera Bytom
entretien
ENTRETIEN avec FRÉDÉRIC ROELS, directeur d’Opéra Grand Avignon, à propos de sa mise en scène de Luisa Miller de Giuseppe Verdi (à l’affiche les 17 et 19 mai 2024)
Frédéric ROELS, directeur général d’Opéra Grand AVIGNON, met en scène Luisa Miller de Verdi, une œuvre rarement donnée qui pourtant en adaptant la force tragique d’une pièce de Schiller, marque un tournant dans l’écriture du compositeur lyrique trentenaire. Trempé dans une encre noire et sombre, Luisa Miller est un opéra passionnant, intensément dramatique, qui montre combien Verdi sait adapter une pièce de théâtre sans atténuer l’épaisseur tragique de chaque personnage. Frédéric ROELS explique les thèmes qui ont inspiré sa mise en scène : une notion temporelle spécifique et … fatale ; des décors suggestifs, la relation filiale, le fatalisme d’une société féodale… autant d’éléments qui expriment ainsi l’enfermement d’un huis-clos.
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CLASSIQUENEWS : D’un premier regard qu’est ce qui singularise Luisa Miller ?
FRÉDERIC ROELS : Luisa Miller appartient à cette période charnière dans l’œuvre de Verdi où le compositeur achève son premier cycle d’opéras historiques directement hérités du bel canto (Attila, Ernani,…) pour une typologie plus dramatique et théâtrale dont les personnages sont particulièrement fouillés ; ainsi la trilogie de la maturité Rigoletto, Le Trouvère, La Traviata… Cela marque une évolution de son style dans laquelle il amorce une autre manière d’aborder les codes du bel canto.
Luisa Miller a ceci de particulier que c’est la première fois que Verdi s’inspire de Schiller ; il renouvellera le principe pour La Force du Destin. En s’inspirant de Schiller, le compositeur adapte ce romantisme typiquement germanique, propre au Sturm und drang, noir, sombre, tourmenté ; où la légèreté est très rare.
CLASSIQUENEWS : Quels sont éléments qui se distinguent et qui structurent le drame ?
FRÉDERIC ROELS : Évidemment, la relation des enfants à leurs parents ; d’autant qu’ici, elle est double. Comme souvent dans les opéras de Verdi, il y a la relation de la fille avec son père (Luisa); mais il y a aussi la relation de Rodolfo avec le sien, le comte Walter, qui est tout aussi complexe. Walter souhaite le meilleur pour son fils mais il lui impose un rapport étouffant et la relation est loin d’être linéaire.
Ensuite l’opéra de Verdi fait surgir une notion du temps tout à fait particulière. J’ai travaillé la mise en scène dans ce sens ; il y a ce décalage où chaque personnage manque chaque occasion d’être sauvé ou de réussir. Wurm a été amoureux de Luisa…Rodolfo aurait pu aimer et épouser Luisa mais son père a pris le pouvoir ; enfin les deux auraient pu s’avouer leur sentiment mais il est trop tard là encore car ils ont pris le poison…et leur sort est scellé à cause d’un décalage fatal.
CLASSIQUENEWS : Quel est votre travail avec le chef et les chanteurs ?
FRÉDERIC ROELS : C’est la première fois que je travaille avec le chef Franck Chastrusse Colombier ; il assiste à toutes les répétitions et participe activement ; il s’est montré très attentif à la signification théâtrale, à toutes les nuances… Que signifie chaque phrase musicale ? Comment le traduire dans le geste musical ? Notre collaboration est interactive et nous partageons le souci du détail. Cela facilite toute l’approche.
Avec les chanteurs, je me fixe comme objectif essentiel : la vérité des personnages, leur sincérité. Dans le cas de Wurms et de Walter (des caractères noirs), il est intéressant de trouver leur motivation profonde. Walter par exemple est double ; même sombre et manipulateur, il est très aimant avec son fils et ne souhaite que son bien. Cette production a déjà été donnée en octobre dernier en Italie ; puis à Tours en mars. A Avignon, il s’agit d’une nouvelle distribution. Nos chanteurs sont tous très investis dans la recherche du geste le plus juste. Dans le rôle-titre, Axelle Fanyo va démontrer l’ampleur de son talent. Je regrette que la reconnaissance de son talent soit si tardive ; j’étais l’un des premiers il y a des années à déceler son immense potentiel.
CLASSIQUENEWS : Musicalement et dans la construction du drame, Verdi privilégie-t-il un personnage plutôt que les autres ?
FRÉDERIC ROELS : de toute évidence, Verdi a une tendresse particulière pour son héroïne. Luisa rejoint ici les autres figures féminines verdiennes passionnantes : Gilda, Violetta… Il développe le personnage dans toute sa complexité. Mais en réalité, l’opéra regroupe pour tous les chanteurs, soit 5 caractères, un égal traitement ; chaque profil est remarquablement abouti : même Laura, une amie de Luisa, révèle sa personnalité au tout début de l’acte III… A partir de la pièce de Schiller (« Kabale und limbe », 1784), Verdi conçoit un drame adapté pour la scène lyrique. Cela se dévoile en particulier pour le personnage de la duchesse Frederica, laquelle est beaucoup plus développée chez Schiller. Mais Verdi n’a en rien entamé son épaisseur ; il a su intensifier et nourrir le personnage dans son opéra. Frederica demeure une figure importante, intensément dramatique.
CLASSIQUENEWS : Sans dévoiler tout le spectacle, que donnez-vous à voir sur la scène comme élément clé?
FRÉDERIC ROELS : Il y a une immense horloge centrale qui rappelle l’importance de ce temps particulier dont j’ai parlé, du décalage, de ce malentendu temporel qui produit le malheur de chaque protagoniste. Les décors évoquent sans précision historique l’époque médiévale à laquelle se déroule l’action. Il est question d’un village, d’un seigneur puissant… donc nous évoquons la réalité d’un système féodal. L’œuvre de Verdi au XIXè, s’inspire d’une pièce du XVIIIè ; notre spectacle s’adresse au public du XXIè… nous jouons sur la diversité des époques : les costumes font référence à la fois au gothique, au XIXè romantique et à notre actualité contemporaine. L’idée des panneaux mobiles permet aussi d’exprimer l’esprit du drame : le huis-clos, l’enfermement d’une société qui est un labyrinthe étouffant.
Propos recueillis en mai 2024
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Luisa Miller de Verdi à l’OPÉRA GRAND AVIGNON, ven 17 puis dim 19 mai 2024 – informations et réservations : https://www.operagrandavignon.fr/luisa-miller
LIRE aussi notre présentation de Luisa Miller de Verdi à l’Opéra Grand Avignon, mai 2024 : https://www.classiquenews.com/opera-grand-avignon-verdi-luisa-miller-les-17-et-19-mai-2024-axelle-fanyo-sehoon-moon-vitterio-vitelli-frederic-roels-franck-chastrusse-colombier/
