Cap au Nord : le chef norvégien EIVIND GULLBERG JENSEN aborde «Nachruf » de son compatriote Arne Nordheim ; puis clé de voûte du programme, le Concerto pour piano et orchestre n°5 de Beethoven, appelé « l’Empereur » avec la complicité souple et nuancée du pianiste (également norvégien) LEIF OVE ANDSNES, plus impérial voire grandiloquent et majestueux mais jamais pompeux, le 5ème Concerto de Beethoven affirme le génie prométhéen de Ludwig, particulièrement éloquent au piano. Humanité et esprit de grandeur, équilibre et volonté, – sans omettre l’esprit de la résistance, proprement viennois, c’est le plus olympien des Concertos beethovéniens.
La finesse de ton, la digitalité sobre de Leif Ove Andsnes devraient exprimer le secret équilibre de la partition, entre héroïsme et tendresse, passion et plénitude. La partition est contemporaine de l’expansion impérialiste napoléonienne : Vienne sera bientôt occupée par les Français.
Le pianiste LEIF OVE ANDSNES
joue l’Empereur des Concertos
Printemps 1809. Quand Napoléon prend les armes, quand l’Autriche, alliée de l’Angleterre, envahit la Bavière, Beethoven (à Vienne) compose son Concerto n°5 : ni hommage à Bonaparte, « l’usurpateur », ni même à Franz Ier (que Beethoven n’estime pas davantage), la partition exprime l’orgueil viennois, son esprit superbe de résilience ; l’esprit est au patriotisme (car il faut venger Austerlitz), Ludwig emprunte en résonance avec le contexte guerrier, un souffle épique et transcendant, en particulier dans la partie de piano, d’une allure folle, majestueuse, rhapsodique, ce dès le début. L’ambition voire l’orgueil du compositeur se manifeste clairement dans l’exploitation inédite des combinaisons harmoniques possibles dans un format piano / orchestre.
Pour marquer l’ampleur du propos, l’Allegro premier se déploie sur … 600 mesures (!!!). Ni Haydn, ni Mozart n’avaient osé telle ampleur. Rien de moins. L’Empereur marque pourtant un temps de désolation pour Vienne dont toute l’aristocratie doit quitter le coeur urbain car Napoléon marche sur la cité impériale… Beethoven ne pouvant fuir à temps, se réfugie dans la cave de son frère Caspar Carl, coussins sur sa pauvre tête et contre ses oreilles pour ne pas subir les déflagrations sonores dans le conduit auditif (terribles acouphènes). L’oeuvre si moderne, véritable pont tendu vers l’avenir, est crée а Vienne en février 1812. La première édition porte la dédicace à son patron vénéré, l’Archiduc Rudolph.
L’ONPL poursuit son exploration des paysages nordiques avec la Symphonie n°1 du finlandais Sibelius, le plus grand symphoniste au début du XXè avec Richard Strauss, Gustav Mahler et les Français Ravel et Debussy.
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Orchestre des Pays de la Loire
NANTES, Cité des congrès
Mardi 2 avril 2024, 20h
ANGERS, Centre de Congrès
Jeudi 4 avril 2024, 20h
Dimanche 7 avril 2024, 17h
CHOLET, Théâtre Saint-Louis
Samedi 6 avril 2024, 18h
Réservez vos places directement sur le site de l’ONPL / Orchestre National des Pays de La Loire : https://onpl.fr/concert/lempereur-des-concertos-par-limmense-leif-ove-andsnes/
Arne Nordheim (1931-2010)
Nachruf (création française) – 7 mn
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Concerto pour piano n°5 « L’Empereur » – 38 mn
Leif Ove Andsnes, piano
Jean Sibelius (1865-1957)
Symphonie n°1 – 38 mn
ORCHESTRE NATIONAL DES PAYS DE LA LOIRE
Eivind Gulberg Jensen, direction
L’opus 39 de Sibelius est l’oeuvre d’un jeune compositeur de 34 ans qui termine son premier opus symphonique début 1899, suscitant une admiration telle qu’il obtient une rente de l’État finnois а vie. Heureux créateur, reconnu pour son talent… Déjа dans la forme classique de ce premier coup de génie, s’affirment des ruptures de ton, des éclairs romantiques fulgurants qui bousculent l’écoulement tranquille. L’Adagio initial (premier volet du mouvement I, précédant l’Allegro energico) fait valoir de superbes effets de timbres, emblèmes d’une orchestration raffinée et puissante. L’Andante qui suit, exprime une mélodie particulièrement originale et mélancolique, avec dans l’alliance frémissante des cors et des cordes, une claire référence à la forêt magique de Wagner (Siegfried : murmures de la forêt), même si Sibelius s’est toujours précautionneusement distingué du compositeur germanique. L’Allegro est un scherzo où triomphe et s’embrase la volupté du trio central (pour les vents). A la façon d’une rhapsodie (« quasi una fantasia »), le Finale en mi mineur cumule les contrastes de rythmes et de caractères avec une irrépressible énergie, celle d’une conclusion enfin énoncée qui délivre sa vérité comme la clé d’un rébus enfin résolu.
Sibelius questionne la forme et le développement symphonique ; comment (orchestration / couleurs), vers où ? (sens, architecture)… le Finnois cherche la clé d’un déroulement essentiel et organiquement cohérent. C’est pourquoi, dès ce premier essai de 1899, il ouvre des perspectives aussi personnelles qu’un Mahler. Mais à l’inverse de ce dernier, et par tempérament, Sibelius se replie de plus en plus vers un schéma serré, court, synthétique, au point que sa dernière symphonie, enchaînant les mouvements (créée en 1923 à Helsinki), totalise autour de 30 mn…