prince de la musique
Arte
Lundi 15 mars 2010 à 22h30
Le documentaire diffusé par Arte ne manque pas de moyens: figurants et témoins d’époque se pressent devant la caméra pour nous faire revivre les épisodes de la vie de Palestrina à Rome, au milieu du 16è siècle: Filippo Neri, fondateur de la Congrégation de l’Oratoire, Fierrabosco, … élèves, disciples et proches du musiciens dont surtout son fils cadet, le seul parmi ses 3 fils, qui échappe à la terrible peste et qui peut ainsi raconter la vie de son père… Le compositeur habité par sa musique entretient un lien direct et profond avec Dieu (ne souhaitera-t-il pas entrer dans les ordres à la fin de sa carrière?): sa musique qui équilibre écriture verticale et horizontale, sait articuler chaque voix dans la riche texture polyphonique afin de rendre le texte toujours intelligible. Dans sa musique, Palestrina fait entendre l’harmonie des corps céleste à une époque où même si l’homme semble être le centre et la mesure du monde, son âme doit cependant honorer son Créateur. Et les partitions de Palestrina savent écouter et transmettre la secrète perfection des notes, elles-mêmes étant grâce à leur excellence mathématique, l’expression de la grandeur céleste.
Les épisodes fictionnels sont bien amenés et l’on croit finalement à ses intrigues incessantes à Rome où la succession des Papes: Jules III, Marcel II, enfin Paul IV, multiplie le jeu des actes courtisans pas toujours très corrects… car le compositeur fait des jaloux, et son caractère parfois arrogant n’est pas pour arranger les choses. Si Palestrina obtient le poste très prestigieux de maître de la chapelle du Pape, grâce à son protecteur Jules III (ex cardinal del Monte, originaire de Palestrina qui avait déjà remarqué les dons du jeune musicien). Après avoir diriger le choeur de Saint-Pierre et la Capella Giulia, Palestrina devenu directeur de la chapelle pontificale, constitué de chantre masculins provenant des meilleures maîtrises d’Europe, en est cependant destitué… par Paul IV.
Habité par Dieu
Restent deux faiblesses impardonnables dans ce témoignage pourtant ambitieux: la réalisation poussive et lente avec quelques grotesques idées comme l’immersion dans la narration musicale des olives omniprésentes pour mieux nous faire comprendre combien Palestrina était admirateur du miracle de la nature: il meurt au début du film en tenant puis lâchant de sa main une olive; il cueille et glisse une olive encore – mais noire cette fois-, dans le corsage de sa seconde épouse (!), Virginia, riche veuve qui était l’épouse du fourreur du pape et grâce à laquelle il peut faire imprimer toute sa musique (soit 16 tomes contenant plus de 400 partitions)…
Plus dommageable pour la tenue du documentaire: la participation des interprètes musiciens (Flavio Colusso et son choeur – l’Ensemble Seicentonovecento – dont les répétitions et les séances de travail sont montrées devant la caméra), nous infligent une lecture des oeuvres roborative et sans guère de subtilité: Palestrina méritait meilleurs ambassadeurs, plus engagés, plus articulés aussi car le texte est aussi important que la musique. Le montage s’essouffle; les musiciens ennuient… Malgré la diversité des tableaux reconstitués.
Vainqueur des intrigues romaines
Points positifs cependant: l’évocation des madrigaux profanes voire libertins que Palestrina composa pour le Cardinal del Monte, et à Tivoli pour les Este. De même celui qui fut capable, crise oblige, de quitter foyer, proches et responsabilités musicales à Rome, afin de faire retraite dans la nature, s’est imposé comme le plus grand compositeur de musique sacré, grâce au pouvoir de sa musique sur les âmes… Pourtant, on n’imagine pas à son époque de musique plus sensuelle que celle de Palestrina: une écriture séduisant les sens au service de l’Eglise: tel n’est pas le moindre paradoxe d’une oeuvre unique au XVIè. La vie de Palestrina tient du roman (voyez son second mariage soudain alors que veuf, il se destinait à l’église… comme Rubens, ces nouvelles noces permettent un regain d’écriture et une nouvelle floraison de l’inspiration d’une richesse de style inouïe…). Dommage que l’écriture du film reste invariablement classique et répétitive.
Palestrina, prince de la musique. Réalisation: Georg Brintrup (2009, 52 mn).