mercredi 23 avril 2025

Paris. Opéra Comique, le 17 mars 2013. Wolf-Ferrari, Poulenc : Il segreto di Susanna, La voix humaine. Anna Caterina Antonacci. Orchestre Phil. du Luxembourg. Pascal Raphé, direction. Ludovic Lagarde, mise en scène.

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La soprano italienne Anna Caterina Antonacci est de retour à Paris après une Carmen délayée à Bastille en décembre dernier. Elle est heureusement bien en forme pour le diptyque des mini-opéras du 20e siècle à l’Opéra-Comique: l’intermède en un acte d’Ermanno Wolf-Ferrari, Il segreto di Susanna crée en 1909 et la tragédie lyrique en un acte de Francis Poulenc La Voix Humaine, créée en 1959 sur le livret de Jean Cocteau.

Si le diptyque peut sembler disparate en ce qui concerne les tempéraments très distincts et contrastants des opéras, la mise en scène et le décors de Ludovic Lagarde et Antoine Vasseur instaurent une cohésion intelligente et élégante à la fois, vivifiée par les belles
lumières de Sébastien Michaud.


20e siècle revisité, l’Antonacci revendiquée

En ouverture, Il segreto di Susanna demeure la pièce
la plus célèbre du compositeur Italo-Allemand Ermanno Wolf-Ferrari, un des rares auteurs lyriques à la fois populaire et savant. Le maigre livret renoue avec l’intermezzo du 18e siècle typique des sujets anodins, assurant la contrepartie comique d’une tragédie.
La pièce est d’un humour et d’une légèreté rafraîchissantes, avec une transparence orchestrale qui imite presque l’esprit de l’opéra buffa du 18e. Ici l’Antonacci est une comtesse avec un secret. Ce n’est pas un amant turc comme le pense son mari le Comte Gil, interprété avec vivacité par le baryton Vittorio Prato, mais… la cigarette ! La soprano est ravissante et séductrice dans cette sorte d’ode au tabac, avec un sens aigu de la comédie. L’oeuvre est riche en délicieuses mélodies et citations, si l’esprit Mozartien est évident, Debussy est aussi présent, le thème ascendant et descendant du Faune étant ici une allégorie de la fumée ! L’Orchestre Philharmonique du Luxembourg se montre puissant, avec un entrain effréné mais a du mal à s’adapter aux
voix des chanteurs, notamment au début.

Après l’entracte vient La Voix Humaine, très attendue. Le monodrame
d’une rare intensité et d’un lyrisme puissant poursuit et développe à la fois la musique de la peur des Dialogues des Carmélites du même auteur. L’orchestration claire permet la parfaite intelligibilité du
texte, qui est presque parfaitement articulé par Antonacci. Elle n’est
pas, certes, Denise Duval créatrice du rôle, mais nous ne sommes pas non plus en 1959. Si le mythe associé à l’oeuvre ne se voit pas entièrement représenté d’après ceux qui ont vu et vécu la Duval, le livret qui date d’il y a presque un siècle, ne paraît pas avoir vieilli pourtant. Ce « concerto pour soprano et orchestre » est en fait le monologue d’une femme délaissée par son amant et qui a tenté de se suicider. Le tout se passe dans son appartement et… au téléphone ! Le message d’angoisse et d’isolement fait complètement écho à notre ère actuelle des distances virtuelles et des solitudes réelles. Le blanc pur du décor ne relève pas de la pâleur, au contraire il propose une lecture contemporaine de la superficialité sanitaire de notre époque, où tout doit paraître propre ou faire semblant. Sous la pression sociale et mondaine peu importent les sentiments, nous avons donc recours au téléphone.

Pascal Raphé dirige avec plus de subtilité la deuxième partie de la
représentation, s’accordant mieux à la voix de la soprano. Elle ravit
l’auditoire qui est plus exalté qu’en pleurs. A C Antonacci reçoit les applaudissements avec dignité et humilité. A voir absolument pour
une dose hasardeuse de comédie et de tragédie, mais surtout d’élégance et de volupté. A l’affiche les 23, 26 et 29 mars à l’Opéra-Comique.

Paris. Opéra Comique, le 17 mars 2013. Il segreto di Susanna, La voix
humaine. Wolf-Ferrari, Poulenc. Anna Caterina Antonacci. Orchestre
Philharmonique du Luxembourg. Pascal Raphé, direction. Ludovic Lagarde, mise en scène.
Illustration : © B. Kostohryz
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