mardi 22 avril 2025

Paris. Palais Garnier. Le 2 février 2013. Kaguyahimé de Jirí Kylián. Musique : Maki Ishii. Ensembles Kodô, Gagaku et percussions invitées. Ballet de l’Opéra National de Paris. Michael de Roo, direction

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Le Palais Garnier accueille pour sa deuxième représentation, le ballet Kaguyahimé du chorégraphe contemporain d’origine tchèque, Jiří Kylián. Un ensemble des percussionnistes invité, avec l’ensemble Kodô et l’ensemble Gagaku (musiques traditionnelles japonaises) sous la direction de Michael de Roo assurent la musique, contemporaine également, mais comme la chorégraphie de Kylián, avec un sens de l’universalité tout à fait classique !


La dualité de l’humanité en mouvement

Jiří Kylián est une figure emblématique de la danse du XX ème siècle. Collaborateur de John Cranko au Stuttgart Ballet pendant des années, il devient ensuite co-directeur artistique et chorégraphe principal de la compagnie hollandaise Nederlands Dans Theater, pour laquelle il crée un total de 74 ballets. Kaguyahimé est ainsi réalisée dans cette compagnie en 1988. En 2010, l’œuvre entre au répertoire de l’Opéra National de Paris dans une nouvelle production qui est reprise cet hiver 2013.

Le livret est inspiré d’un conte traditionnel japonais du tournant du 9e au 10 ème siècle, le « Conte du coupeur de bambous ». C’est l’histoire de Kaguyahimé, princesse lunaire trouvée dans notre planète par un coupeur de bambous et qui frappe l’humanité par sa beauté. Elle est convoitée par tout le monde, même l’Empereur, mais, attristée par l’effet négatif et destructeur d’un tel magnétisme, elle finit par quitter ses parents adoptifs et rentre au royaume lunaire. Dans la lecture de Kylian, l’aspect folklorique est un peu sacrifié pour mettre en avant la dualité inhérente à l’humanité, permanente ambivalence, fluctuant entre ombres et lumières.

Cette après-midi la princesse de la lune n’est pas une Étoile. Le rôle-titre est assurée par Alice Renavand, Première Danseuse, subtile et gracieuse, parfois tremblante. Elle a, certes, une beauté plastique et une certaine exubérance qui vont très bien avec le rôle aux origines orientales, mais la danseuse ne rayonne véritablement qu’au moment où elle se joint à l’Etoile Hervé Moreau : elle y gagne en sûreté et en expression. Les pointes sont excellentes, bien que non réclamées par Kylian. Non obstant l’interprète affirme une belle fragilité, pas romantique mais contemporaine, qui sait se tirer des particularités du langage de Kylian.

Hervé Moreau, dont nous admirons toujours l’élégance, est un Empereur de grande beauté et avec une prestance stimulante et contagieuse. Les cinq prétendants de la princesse sont tous d’excellents danseurs. Vincent Chaillet, Premier Danseur, brille comme d’habitude tout d’abord par sa grande taille et sa beauté plastique ; il se voit éclipsé par Alessio Carbone, lui aussi Premier Danseur, d’une précision impressionnante, et par Aurélien Houette, Sujet, d’un athlétisme incroyable. La très grande surprise est le Coryphée Yvon Demol : s’il a parfois un saut hésitant, sa performance est d’une force et d’un mordant totalement inattendus.

Pendant les scènes de foule, notamment la Célébration et la Guerre, les filles ont toutes un éclat fabuleux. C’est pendant ces scènes que nous remarquons davantage la qualité et la force interprétative du Corps de Ballet de l’Opéra National de Paris dans un langage contemporain très spécifique qui n’est pas le plus facile à assimiler pour les bastions de la danse classique et romantique.

Mélange de mystère et réalité

Saluons la performance des musiciens. Le chef Michael de Roo dirige trois ensembles différents qui font vibrer la salle avec une intensité saisissante. Il crée des sonorités très étranges qui s’ajoutent à la poésie et au mystère de l’œuvre. De la même façon, les instrumentistes, qui parfois montent et jouent sur scène, ont une vivacité électrique qu’inspire et stimule les danseurs et le public.

Le langage Kylian, basé sur l’entrainement classique de toute évidence, est d’une grande expressivité, parfois même déconcertant. Légèrement influencé par la danse de Graham et la danse folklorique tchèque, il est très personnel et tranchant. Assez difficile à assimiler. Jamais en reste pour relever un nouveau défi artistique, le Ballet de l’Opéra national de Paris dans son souci de diversité et pour avoir intégré ce ballet émouvant au répertoire de la maison, confirme sa très grande valeur, dans une superbe production qui mélange mystère et réalité, l’orient et l’occident, pour le grand plaisir des amateurs de danse.

Nous vous invitons à voir et revoir Kaguyahimé encore à l’affiche du Palais Garnier les 8, 10, 12, 14, 15, 16 et 17 février 2013. Spectacle encore ouvert à la réservation

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