Lumière du nord
Alors qu’elle avait renoncé à chanter Louise à l’Opéra de Paris, (remplacée entre autres par Mireille Delunsch… ), la cantatrice finlandaise Soile Isokoski, a cependant maintenu sa venue à la Salle Gaveau en cette fin de mois de juin. Elle a offert à un public attentif mais clairsemé un récital magnifique.
L’art de Soile Isokoski demeure unique aujourd’hui. Quelle pureté cristalline du timbre : la cantatrice finlandaise fait continuellement honneur à ce que suggère son prénom « Soile » qui signifie en finnois « Lumière du Nord ». Soile, c’est le ciel pur et immaculé de Finlande, la sensation d’un paradis perdu. Sa compréhension intime des textes poétiques se révèle par ailleurs par de subtiles inflexions de couleurs, d’articulations, révélant sa proximité avec de grandes devancières, comme Schwarzkopf ou Jurinac, même si le chant de Soile Isokoski parait moins intimiste. L’ampleur des lignes est toujours aussi fascinante de naturel, la continuité des lignes mélodiques si rare de nos jours, le sens de l’atmosphère, notamment dans les célèbres Morgen! de Strauss, Flickan komm ifran sin älsklings möte de Sibelius, si intensément justes que cette soirée restera à jamais marquée dans notre mémoire, comme il y a un an le récital tout aussi unique du baryton Matthias Goerne et du pianiste Christoph Eschenbach à la Salle Pleyel.
La révélation de cette soirée du 27 juin 2008 fut avant tout les mélodies de Toivo Kuula (1883-1918), d’une beauté et d’une richesse d’expression incroyables, synthèse inspirée entre la musique lunaire d’un Debussy (les parties d’accompagnement parfois proche du dépouillement inouï d’Et la lune descend sur le temple qui fut du Français) et la flamboyance vocale d’un Strauss. Mélodies difficiles, d’autant que ce sentiment typiquement finlandais, à savoir cette nostalgie irrépressible, parfois proche du tragique, voire de la morosité imprègne continuellement ce corpus de mélodies qu’il faudrait redécouvrir. Avec la beauté vocale et l’intuition de Soile Isokoski, qui a trouvé là son compositeur de son pays d’origine à défendre, encore plus que Sibelius, voilà un chantier que sa maison de disques Ondine ne devrait pas hésiter à lancer. Et bien sur avec la pianiste de longue date de la cantatrice, Marita Viitasalo, qui trouve ici le ton juste, parfait, allusif comme la musique le suggère. Elle ne fut pas toujours aussi convaincante au cours de la soirée.
Paris. Salle Gaveau, vendredi 27 juin 2008. Airs, mélodies et Lieder de Mozart, Kuula, Sibelius, Messiaen et Strauss. Soile Isokoski, soprano, Marita Viitasalo, piano