Schumann / Brahms, la célébration d’un romantisme éblouissant
Le concert d’après-midi commence avec le célébrissime Concerto pour piano et orchestre en la mineur op. 54 de Robert Schumann, interprété par le pianiste – compositeur Émile Naoumoff. Dès le premier mouvement, l’orchestre affirme une grande sûreté à laquelle répond le pianiste au jeu cristallin et sensible. Le hautbois et le basson à la sonorité exquise s’accordent parfaitement à la sensibilité grandiloquente mais jamais exacerbée de Naoumoff. D’un esprit véritablement romantique, ce dernier interprète la cadence avec une grande dextérité et une virtuosité tout-à-fait appassionata.
Les musiciens sous la baguette du chef Mykola Dyadura, sont pleins de brio. L’intermezzo qui suit est d’une grande humanité et riche en tendresse. La précision des cordes est captivante et nous remarquons un groupe de violoncelles d’une beauté particulière. Le pianiste, quant à lui, joue ses notes avec vénération, ce qui est d’ailleurs un attrait puisque nous préférons un excès de sentiment à l’indifférence, qui est, en ce qui concerne ce mouvement, plus habituelle. Le dernier mouvement lui permet de montrer toute son agilité avec un très beau phrasé et un sentimentalisme qui n’affecte en rien la clarté de son jeu. C’est aussi l’occasion pour les cordes de montrer en l’occurrence toute leur sensibilité et caractère. Sous la direction de Dyadyura, les contrastes et le contrepoint sont privilégiés, ajoutant à la grandeur et à l’impact émotionnel d’une œuvre très inspirée. Le pianiste offre au public en tant que bis une pièce de sa propre composition d’une poésie et d’une beauté post-romantique.
Les musiciens enchaînent presque immédiatement la 4ème Symphonie en mi mineur op. 98 de Johannes Brahms, qui clôt effectivement le concert. L’Allegro non troppo introductif est un impressionnant mélange de science et de fantaisie. Si les cordes commencent en timidité leur prestation gagne très vite en brio, certainement propulsées par une musique pleine de cœur. Ici le chef dirige un orchestre passionné et passionnant, aux vents délicieux, aux cordes remarquables. L’abondance thématique du mouvement est traité avec prestance et les difficultés sont gérées intelligemment. L’orchestre est ensorcelant au deuxième mouvement, le concertino des vents uni aux cordes jouant en pizzicato instaure une ambiance à la fois martiale et spirituelle qui s’élargit ensuite avec des cordes lyriques d’une grande beauté. Le troisième mouvement est le plus personnel, ici Brahms fait référence à Beethoven et à Schumann et préfigure également, par la juxtaposition des textures musicales, un Stravinsky du Sacre, ou un Mahler (!). Tout cela dans la plus grande joie et vivacité, avec un orchestre à la sonorité brillante qui emprunte par des instants à la musique populaire. Le Finale exaltant est, quant à lui, plein d’âme et la relation entre les cordes et les cuivres, particulièrement réussie.
Le Pasdeloup confirme son charisme par un romantisme à la fois vaste et mesuré, tonifié par des musiciens amoureux de leur art, et qui charment les sens d’un public fortement stimulé.
Paris. Salle Pleyel, le 19 janvier 2013.
Schumann, Brahms.
Emile Naoumoff, piano.
Orchestre Pasdeloup. Mykola Dyadura, direction.