Ah la formidable épopée des Ballets Russes ! Josep Pons a dirigé en effet deux de leurs plus grands succès : Petrouchka (1911) et Le Tricorne (1919), deux partitions extrêmement complexes, virtuoses, qui fourmillent de couleurs crues, chamarrées, étincelantes, et de figures rythmiques très incisives. Pons a semblé privilégier l’aspect coloriste et harmonique des œuvres plutôt que leur rythmique implacable. De même, la texture ronde, chaleureuse et assez enveloppante de l’orchestre est favorisée, plus que les alliages abrupts ou sauvages. Parfois, Pons oublie aussi l’aspect chorégraphique de ces partitions, s’autorisant des tempos modérés dans Le Tricorne. Mais ce concert était irrésistible.
L’Orchestre de Paris est dans un jour de gloire. Le plaisir jouissif de jouer, de faire vibrer son public est palpable. Applaudissements en premier lieu aux vents, dont les solos dans Le Tricorne sont des modèles de phrasés, d’imagination, de délicatesse et de poésie : le basson (Danse de la meunière, Danse du meunier), la flûte (L’Après-midi) sont …inoubliables ! Tout ici parait limpide, d’une évidence totale. Les cordes chantent, respirent magnifiquement (Danse des voisins), les cuivres ont une netteté idéale dans leurs traits. Une interprétation enthousiasmante (la Danza final !) d’une œuvre très difficile.
Petrouchka était peut-être moins convaincante, faute d’architecture globale, de construction claire et précise ; dans l’instantané, le plaisir était pourtant indiscutable. Ce concert présentait aussi une création mondiale de Luis de Pablo: « Natura », « hommage à la ville accueillante, généreuse et même maternelle » de Paris (selon la présentation de De Pablo, dans le livret programme du concert). Luis de Pablo nous a donné des œuvres plus accomplies que cette œuvre aux lignes floues.
Paris. Salle Pleyel, le 28 mars 2007. Luis de Pablo (1930) : Natura (création
mondiale). Igor Stravinsky (1882-1971) : Petrouchka (version 1947). Manuel de
Falla (1876-1946) : Le Tricorne (ballet intégral). Itxaro Mentxaka, mezzo-soprano.
Orchestre de Paris. Josep Pons, direction.
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Manuel de Falla (DR)