lundi 21 avril 2025

Paris. Salle Pleyel, le 8 février 2013. Massenet, Chabrier, Debussy, Ravel,Bizet, De Falla. Pierre Charvet, présentation … Orchestre Les Siècles; François Xavier Roth, direction.

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On ne présente plus François Xavier Roth, chef charismatique et fondateur de l’orchestre Les Siècles qui joue sur instruments d’époque. Le maestro français, dont l’activité, tant en France qu’à l’étranger, est très dense, accorde une grande importance à l’enseignement. De l’intégration de jeunes élèves dans l’orchestre au concert éducatif devant des salles bien remplies, Francois Xavier Roth s’attache à transmettre aux plus jeunes, son amour de la musique avec une belle patience. Partenaire privilégié du chef, la salle Pleyel accueille régulièrement l’Orchestre et son complice le compositeur Pierre Charvet qui présente le concert. La présence de Pierre Charvet n’est d’ailleurs pas sans rappeler l’émission Presto qui entre 2003 et 2006 contribua au lancement vers le succès des Siècles et de François Xavier Roth. Contrairement aux concerts « classiques », les musiciens sont vêtus comme d’habitude et arborent un T-shirt de couleur (violet, orange, vert ou bleu) avec le logo « Concert Éducatif » dans le dos.


Concert éducatif des Siècles à Pleyel

La présence de nombreux enfants âgés de sept à douze ans suffit à démontrer le succès des concerts éducatifs et leur utilité pour la découverte et la compréhension des diffèrents styles de musiques. « Nous préparons les concerts en amont avec nos élèves » nous précise une institutrice de Cours Élémentaire, venue des Hauts de Seine avec les deux classes de CE1 et de CE2 de l’école où elle enseigne. « Nous avons étudié les instruments de l’orchestre avec les enfants » avant de conclure « notre projet d’école tourne autour de l’Espagne et le concert d’aujourd’hui entre parfaitement dans ce cadre ». Quelques rangs devant, c’est une classe de 6e qui est venue d’un collège du Val d’Oise avec ses professeurs : « C’est leur première sortie sur Paris, et c’est aussi la première fois qu’ils assistent à un concert éducatif » nous dit l’un d’entre eux, avant d’ajouter : « ils sont à la fois surexcités à l’idée de visiter Paris et ravis d’assister à un tel concert ». On peut comprendre la curiosité qui agite tous ces enfants qui, dans certains cas, n’ont pas toujours l’occasion d’aller au concert ou de visiter des sites culturels, d’où l’importance bénéfique de l’action des enseignants du primaire et du secondaire.

Pour ce programme consacré à l’Espagne, François Xavier Roth a choisi des oeuvres de compositeurs français qui, à part Emmanuel Chabrier (1841-1894), n’ont jamais fait le voyage dans la péninsule ibérique; leurs oeuvres transcrivent, chacune à sa manière, leur Espagne rêvée. Le concert débute avec un extrait du Cid de Jules Massenet (1842-1912) et d’entrée de jeu, François Xavier Roth, qui arrive sur l’estrade en T-shirt, jean et baskets, dirige avec la fougue qui le caractérise. Les musiciens suivent leur chef avec une précision remarquable et la Castillane résonne joyeusement dans la salle sans aucun temps mort… L’Espagne rêvée des compositeurs français de la seconde moitié du XIXe siècle se révèle avec force sous le regard attentif des enfants qui réagissent instantanément.

Pierre Charvet qui assure la partie présentation de l’après midi, connaît parfaitement son sujet : il explique clairement les choses. On peut cependant regretter qu’il ponctue à l’excès, chaque phrase de « Olé » même si l’expression est typiquement espagnole; ça passe une fois, deux fois, trois fois mais plus… ça fait trop. Charvet parle d’Emmanuel Chabrier (1841-1894) avec d’autant plus de détails qu’il est le seul musicien français du programme à avoir visité le pays; les descriptions lyriques qu’il en fait à ses amis dans ses lettres nourrissent l’oeuvre qu’a choisi François Xavier Roth. Espana n’est pas donné d’un bloc mais en trois extraits; avec le premier d’entre eux, le concert devient inter-actif. Si la devinette posée par le chef est assez facile à trouver, les enfants jouent le jeu; cela permet à François Xavier Roth de présenter l’instrument symbole de l’Espagne : les castagnettes. Il profite aussi de l’occasion pour faire intervenir, de son pupitre la percussionniste Eriko Minami : la musicienne présente la différence entre les castagnettes traditionnelles et celles généralement utilisées dans les orchestres et que les instrumentistes jouent sur les genoux. On peut d’ailleurs regretter que la jeune femme ne vienne pas sur le devant de la scène pour faire sa démonstration. L’oeuvre de Chabrier respire le soleil et intègre les couleurs vives de l’Espagne, une Espagne d’autant plus présente et vivante qu’il en a éprouvé les paysages et vécu la sensation sur le motif.

Place aux traditions culturelles de l’Espagne : Pierre Charvet présente la danseuse de flamenco Katia Benito, accompagnée du chanteur Paco el Lobo et du guitariste Dani Moreno. Rien à reprocher à la tenue des musiciens et danseurs espagnols mais leur performance est loin d’égaler Sara Baras et sa troupe; cependant l’intention est tout à fait louable : elle marque une pause bienvenue dans un programme riche en chatoiements orchestraux, tout en servant aussi son sujet principal.

Avec Ibéria de Claude Debussy (1862-1918) et Alborada de Maurice Ravel (1875-1937) nous repartons de nouveau dans l’Espagne rêvée des compositeurs français, et comme dans les oeuvre précédentes, Francois Xavier Roth dirige avec fermeté et maîtrise, dialoguant entre deux extraits avec Pierre Charvet avec un naturel qui laisse transparaître une vraie complicité d’autant plus nécessaire en ce vendredi après midi que seules des explications simples et claires permettent aux enfants de comprendre ce qui se passe sur scène.

Si le travail de Pierre Cussac qui arrange Carmen, l’ultime opéra de Georges Bizet (1837-1875) pour accordéon, chant et un comédien part d’une intention tout à fait louable, on peut se demander ce qu’il a voulu raconter avec son Carmen-minute. Certes on y retrouve les tubes (la habanera, la séguedille, l’air de Don José et celui d’Escamillo … ) mais le résultat, même, s’il s’intègre bien à un concert éducatif, peine à convaincre.

Pour l’Amour sorcier de Manuel De Falla (1876-1946), le seul espagnol du programme, François Xavier Roth fait monter sur scène une douzaine d’élèves du collège Edgar Varèse et profite de l’occasion pour rendre hommage au travail effectué avec les musiciens de l’Orchestre qui les ont fait répéter pendant… quatre mois. Le résultat est d’autant plus exceptionnel que les enfants n’avaient jamais touché un instrument avant cette expérience unique et inoubliable pour eux. De nouveau, le chef se tourne vers le jeune public pour un exercice de « body clapping » : les jeunes spectateurs se mettent deux par deux, pour prendre conscience du rythme et de la musique. Le chef fait montre d’une patience remarquable avec les enfants qui sont totalement enthousiastes et ravis de l’expérience. En clôture, les musiciens jouent le célebrissime boléro de Ravel; l’oeuvre, qui répète le même thème sur cent soixante neuf mesures, a d’abord reçu un accueil mitigé avant de connaître le succès.

Engagé auprès des plus jeunes, le chef suscite l’admiration. Son charisme anime toute la séance. Francois Xavier Roth dont la rigueur et la précision inégalables lui ont permis de devenir l’un des meilleurs chefs de sa génération, sait prendre le temps de transmettre sa passion de la musique. Les concerts éducatifs ainsi rodés remportent régulièrement un franc succès que ce soit à Paris ou en Province. La formule si nécessaire pour l’avenir du classique auprès des jeunes générations a trouvé son ambassadeur le plus convaincants.

Paris. Salle Pleyel, le 8 février 2013. Jules Massenet (1842-1912) : Le Cid, Castillane; Emmanuel Chabrier (1841-1894) : Espana; Claude Debussy (1862-1918) : Ibéria, Maurice Ravel (1875-1937) : Alborada del gracioso, Bolero; Georges Bizet (1837-1875) : Carmen, Manuel De Falla (1876-1946) : L’amour sorcier. Pierre Charvet, présentation; Arnaud Guillou, baryton; Sarah Laulan, mezzo soprano; Sven Riondet, acordéon; Amaury De Crayencour, comédien; Katia Benito, danse; Paco el Lobo, chant; Dani Moreno, guitare. Orchestre Les Siècles; François Xavier Roth, direction.

Illustration: François-Xavier Roth (DR)
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