Esa-Pekka Salonen poursuit son cycle sibélien. Nul besoin de vanter à nouveau les mérites de l’Orchestre Philharmonique de Los Angeles ou l’élégance exceptionnelle de la direction. Dans la Cinquième Symphonie, Salonen renouvelle sa réussite de la veille dans la Première (lire notre précédent compte rendu: Première Symphonie de Sibelius par Esa-Pekka Salonen). Tout est là : la noblesse, la fluidité du discours et un sens des phrasés économe mais formidablement expressif. Salonen maintient réellement la tension dans le premier mouvement, mettant superbement en valeur le point de « tangeance » avant l’accelerando continu conclusif. De même, le ralentando précédant le choral de cuivres au début du troisième mouvement donne véritablement l’impression d’un arrêt sur images. Ce passage procure rarement une telle sensation de plénitude.
Tout est là ? Enfin presque. Bien que souvent attachante, cette vision essentiellement lumineuse et colorée, sereine et épurée de la musique de Sibelius – en réalité d’une évidence presque « classique » – explore-t-elle réellement les profondeurs de l’écriture sibélienne ? On pouvait déceler parfois dans l’Andante mosso de la Cinquième une absence de renouvellement expressif au travers de certaines figures de cordes. Dans la Sixième Symphonie, Salonen oublie trop souvent les frottements harmoniques, aplanit par ailleurs certaines transitions (passage aux bois introduit par la harpe peu après l’introduction du premier mouvement), et édulcore ainsi considérablement le pouvoir expressif de la musique, par un trop grand excès de linéarité. Où sont cet émerveillement, ce ravissement rédempteur que procurent les grandes interprétations de la Sixième Symphonie ? En outre, si Salonen choisit clairement tout au long de son cycle une certaine abstraction au détriment de l’atmosphère et du mystère, et veut mettre en exergue le formidable travail thématique et formel de la musique de son prédécesseur, le mélomane et sibélien fervent ne peut s’empêcher de ressentir un manque. Si peu de rugosité, de violence, de tragique, d’embrasement, d’abattement et de solitude achève de nous donner une vision en réalité assez partielle de Sibelius, dont le caratère âpre, inquiet, et surtout déconcertant, est en définitive peu souligné. Cette dimension est réelle chez le compositeur Finlandais, et si elle trouve son total accomplissement dans la Quatrième Symphonie, qui sera interprétée le jeudi 8 novembre, elle n’en est pas non plus absente des autres, notamment de la Deuxième Symphonie, dont Salonen a malheureusement donné lors de la troisième soirée une lecture lisse, terne et impénétrable, comme « plombée » par une totale absence de reliefs et d’éclairages. L’auditeur exigeant se reportera avec bénéfice sur d’anciennes versions discographiques, telles celles de Sir John Barbirolli (Hallé Orchestra, Emi 1966-1969) ou de Leonard Bernstein (New York Philharmonic, Sony 1960-1967) qui chacun, ont signé leur intégrale, de façon indiscutable, de notre point de vue.
Paris. Salle Pleyel, lundi 5 novembre 2007. Concert Jean Sibelius (1865-1057) : Symphonie n°6, Sept Chants (orchestration John Estacio), Symphonie n°5. Ben Heppner, ténor. Paris. Salle Pleyel, mardi 6 novembre 2007. Concert Jean Sibelius (1865-1957) : Le Retour de Lemminkaïnen, Symphonie n°2. Salonen : Wing on Wing. Anu Komsi, Cyndia Sieden, sopranos. Los Angeles Philharmonic Orchestra, Esa-Pekka Salonen, direction.